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Théâtre • Violence sociale à Mayotte


Bienvenue à Mayotte. Paysage de carte postale, derrière lequel se trouve le plus pauvre département français. L’adaptation du « Tropique de la violence » (Éd. Gallimard, 2016) de Nathacha Appanah parle de cette île dans une mise en scène truculente, emportée par la rythmique rock de percussions fracassantes, la danse, des vidéos projetées (tantôt sur un voile translucide, tantôt en fond de scène), dans un décor très efficace où l’eau est présente, où les parties du sol se craquellent, où le cube central sert tout à la fois de cellule, de maison, de commissariat, de centre social ou d’hôpital.

Mineur étranger isolé

Moise est un migrant mineur isolé, arrivé en barque avec sa mère qui l’a abandonné. Il est adopté par une infirmière française, en mal d’enfant. Terriblement jalousé par Bruce, cet autre habitant de l’île, le représentant en chef de tous les sans-voix, il est confronté à sa violence que ne peut en aucun cas calmer Stéphane, le travailleur social. Il explique pourtant les raisons de son engagement, sur place avec son association Alternative Non Violente.



Cette île, c’est la France, cette fracture anthropologique entre les descendants de l’esclavage, les Français blancs qui s’y trouvent et les migrants qui se logent dans Gaza, ce ghetto de « bangas », abris en tôle, où les autochtones ont leurs papiers, mais n’entendent pas faire de cadeau à ceux qui représentent l’argent, le collège officiel, les devoirs, la douche au Marseillais, les carrés de choco... Le policier qui vient nourrir Moise, lui propose un procès, le travailleur social Stéphane qui a bien essayé de faire lire Moise, la mère adoptive qui recompose en chansons tendres le puzzle de la vie de son enfant… rien ne suffit à soigner le traumatisme de ce no man’s land où l’on fume du chimique et où la machette peut servir d’arme facile pour régler la dette des personnes sans abri ainsi que celle de la métropole qui ne daigne pas faire plus que « écouter sans se mêler ». Dans une langue très poétique, ponctuée de danses-duels, de chants de mère, se déroulent ces tableaux de soulèvements, où la nature dira ses derniers mots, avec la fuite de Mo, qui retourne vers l’océan.

Agnès Montagne


Photographies : ©Victor Tonelli

Tropique de la Violence
Mise en scène et adaptation d’Alexandre Zeff avec Mia Delmaë, Thomas Durand, Mexianu Medenou, Blanche Lafuente, Alexis Tieno, Assane Timbo.
Production déléguée Théâtre Romain Rolland de Villejuif. Scène Conventionnée de Villejuif et du Grand-Orly Seine Bièvre. Production La Camara Oscura.
Théâtre 13 à Paris, jusqu’au 30 septembre. Du lundi au vendredi à 20 h, le samedi à 18 h. En tournée jusqu’à 2023.
Contact : francesca@francescamagni.com

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