N° 1190 | Le 1er septembre 2016 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Sociologie de l’école

Marianne Blanchard et Joanie Cayonnette-Remblière


éd. La Découverte, 2016, (125 p. – 10 €) | Commander ce livre

Thème : École

L’école est dotée d’un bud­­get de 144 milliards d’euros. Elle emploie 1,3 million de person­nes et scolarise 13 millions d’élèves (soit 23 % de la population). Cet opuscule propose une synthèse des con­naissances sociologiques sur cette institution essentielle à la construction de l’identité sociale de chaque citoyen. Les maîtres de cette discipline lui ont toujours attribué un rôle allant bien au-delà de la simple transmission de connaissances. Diffusion d’une même morale unique, laïque et républicaine pour Durkheim, reproduction des inégalités sociales pour Bourdieu et Passeron, l’école a connu deux explosions au cours du XXe siècle.

Première crise de croissance, celle à l’ori­gine de sa massification : de la fin des années soixante au début des années 1980, l’âge de l’obligation scolaire est prolongé et le collège unique est fondé. Conséquences : 100 % d’une génération se retrouvent scolarisés, alors que seuls 54 % des garçons et 57 % des filles l’étaient en 1954. La seconde révolution répond à l’ambition affichée en 1989 de porter 80 % d’une classe d’âge jusqu’au bac et 100 % au CAP ou au BEP. Cette tentative de démocratisation a échoué, n’ayant jamais pu dépasser la dimension quan­titative et atteindre une dimension qualitative. Loin de là, elle est très vite devenue ségrégative, l’accès aux différentes filières se creusant selon l’origine sociale : ce sont bien les enfants des classes supérieures et moyennes qui passent le bac général et ceux des classes populaires le bac professionnel.

Mais, au final, 71 % des enfants des personnes dites « inactives » ne l’obtiennent pas, alors que 92 % des filles d’ensei­gnants y arrivent. Ce qui a surtout changé c’est donc la visibilité des inégalités qui apparaît tardivement, les bifurcations des trajectoires et les éliminations étant juste différées. La sociologie de l’école a multiplié les études permettant d’analyser les effets de la localisation des établissements, de la composition des classes et de la qualité des enseignants sur le destin des élèves, mais aussi d’établir les meilleures performances des filles en primaire et au collège et la réussite plus importante des enfants d’immigrés par rapport aux nationaux.

Les deux auteures s’intéressent aussi aux évolutions contemporaines, telle l’émergence des notions de compétences, dont la forte polysémie permet à tous de les intégrer : les partisans de l’école démocratique pour la remise en cause des pédagogies traditionnelles qu’elles permettent, les partisans d’une école plus efficace, pour l’amorce de la culture du résultat qu’elles induisent et les partisans du conservatisme pédagogique qui y voient un moyen de lutter contre la baisse du niveau.


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