N° 844 | Le 14 juin 2007 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Reconstruire l’action sociale

Michel Chauvière, Jean-Michel Belorgey, Jacques Ladsous


éd. Dunod, 2006 (280 p. ; 28 €) | Commander ce livre

Thème : Aide sociale

Du 18 au 24 octobre 2004, avait lieu l’aboutissement d’une mobilisation qui avait commencé deux années plus tôt. Les organisateurs de « 7, 8, 9 : vers les états généraux du social » avaient conçu ce mouvement tout à fait inédit en trois étapes : exercer un droit d’inventaire en réalisant l’état des lieux des dysfonctionnements de l’action sociale, organiser des échanges entre les différents acteurs (qu’ils soient usagers, professionnels ou financeurs regroupés dans le « triangle des légitimités ») et formuler des propositions. Le foisonnement de constats, d’analyses et de solutions envisageables a démontré la capacité d’un secteur professionnel, trop souvent silencieux et résigné, à se positionner dans une logique d’expertise collective.

On retrouvera ici un certain nombre de textes rendant compte de cette expérience unique, avec ce que l’on peut rencontrer de contributions passionnantes mais aussi de propos plus insipides. Le constat est récurrent : superposition des dispositifs, émiettement des tâches, domination du seul mode opérationnel question/réponse… La politique d’action sociale a changé progressivement de paradigme. La nouvelle philosophie est dominée par l’esprit du marché : on tente d’imposer la culture du résultat, Or, si « l’obsession du moindre coût à qualité égale vaut peut-être pour toutes sortes de biens matériels, elle n’est pas applicable au traitement social des difficultés de vivre » (p.121). Car comment mettre en équation tant le bonheur que la souffrance ? À partir de quels critères apprécier la qualité d’une relation ? Ne risque-t-on pas de ne retenir que ce qui est visible, que ce qui dérange ? Le glissement libéral est insidieux à tous les niveaux.

À la figure du citoyen que l’on a jusque-là tenté de protéger contre les risques sociaux inhérents à toute société, se substitue l’image de l’usager, entrepreneur de son propre avenir. Le principe de solidarité collective est remplacé par le management des compétences individuelles seules susceptibles de favoriser l’insertion. Toute référence aux mécanismes qui fondent les rapports sociaux est balayée : l’État cesse d’être le garant d’une compensation face aux inégalités, il devient l’instance qui doit libérer les entraves à l’épanouissement des ressources individuelles. L’action sociale se réduit alors à l’ensemble des soutiens personnalisés qui sont délivrés au gré des coûts occasionnés et des moyens financiers.

On retrouvera dans les cahiers de doléances et de propositions reproduits dans cet ouvrage le fruit des douze « fronts » qui ont fait l’objet des états généraux : de la paupérisation à la démocratie sociale, en passant par le logement, la délinquance, la protection de l’enfance, le vieillissement, le handicap, la santé mentale, l’immigration, le vivre ensemble, les institutions et la formation. De quoi couvrir l’ensemble du secteur et retracer tant la maltraitance des usagers que la malmenance subie par les professionnels et les bénévoles.


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