N° 1283 | Le 10 novembre 2020 | Par Olympe, étudiante assistante sociale | Espace du lecteur (accès libre)

Peut-on être différente et préparer un diplôme d’AS ?

Thèmes : Assistante sociale, Formation, Handicapés

Je suis âgée de 26 ans et je souffre d’un handicap «  multi dys  » (dyslexique, dysorthographique, dysgraphique et dyspraxique visuo-spaciale) reconnu par la MDPH. Malgré la méconnaissance de mes difficultés tout au long de ma scolarité, j’ai passé mon BAC PRO SAPAT et j’ai suivi une première année de faculté de psychologie, avant de me réorienter vers un BTS en économie sociale et familiale. Cette dernière orientation ne m’a pas convenu, car trop technique. Aspirant à aider les gens, je me suis présentée en 2018 à trois sélections d’école pour devenir assistant de service social. J’ai été retenue dans l’une d’entre elle, le jury considérant que ma singularité n’était pas un obstacle à mon projet professionnel. Je n’ai pas bien vécu ma première année, car j’ai eu le sentiment que mon handicap était stigmatisé. Aucune aide ne m’a été proposée pour accompagner mes difficultés. J’ai effectué mon premier stage pratique en polyvalence de secteur. Pour réussir à me concentrer, j’avais tendance à fixer du regard d’une manière constante. Il m’a été reproché une mauvaise posture professionnelle. Aucune relation avec mon handicap n’a été établie. Pourtant, je peux travailler sur mes défauts (mieux m’organiser, essayer de trouver des outils), du moment que je suis soutenu. Mon second stage en centre hospitalier s’est bien mieux passé. Pour des raisons familiales, j’ai dû changer de région. J’ai pu entrer dans une nouvelle école. Mon troisième stage en secteur psychiatrique a donné lieu à une très bonne évaluation. Mais, là non plus, mon handicap n’a pas été particulièrement pris en compte. La rencontre avec la référente handicap, dont j’ai découvert l’existence un peu par hasard, me permet de bénéficier du dispositif Ressource Formation Handicap. L’évaluation du degré de mes difficultés qui m’est proposé sera suivie d’un échange auprès des formateurs pour adapter un accompagnement spécifique. Quand on est «  multi dys  », on fait comme on peut dans une société qui est mal préparée à nous accueillir. Ne pas entrer dans le cadre attendu ne constitue un obstacle, s’il n’y a pas de soutien. Ce n’est pas parce qu’on est différente, qu’on ne peut pas devenir une assistante sociale qui fait bien son travail. Au cours de la formation, la présence d’un profil atypique constitue une plus-value. L’accumulation des embûches que le handicap place sur votre chemin, les multiples démarches pour faire valoir ses droits, la confrontation pratique aux dispositifs médico-sociaux… c’est là une expérience potentiellement enrichissante dans les échanges que l’on peut avoir au sein d’une promotion. En m’exprimant publiquement, j’espère ne pas provoquer l’hostilité de mes formateurs, car je n’ai pas terminé mes études. Je souhaitais que mon cas particulier serve à alerter sur les failles qui existent dans les parcours de formation professionnels, y compris pour les travailleurs sociaux. Il me semble aussi important de former davantage les équipes pédagogiques sur les différents profils atypiques. Cela évitera bien des incompréhensions.


Contacté par Lien Social, Étienne en troisième année de formation d’assistant social du premier centre de formation fréquenté par Olympe témoigne de ses difficultés d’apprentissage à l’écrit qui ont été pris en compte par les autres étudiants, mais pas par des formateurs par ailleurs débordés. De fait, un référent handicap a été désigné, après son départ. Joséphine, étudiante dans le second centre, confirme l’absence de soutien. Personne n’a pensé à orienter Olympe vers le référent handicap, préférant lui conseiller d’abandonner sa formation. Cette carence qui parfois a même pu prendre la forme d’une stigmatisation est un comble, dit-elle, pour une formation destinée à préparer de futurs professionnels à l’accompagnement des plus fragiles et qui se montrent si peu à l’écoute de l’une d’entre elles !