N° 1314 | Le 29 mars 2022 | Critiques de livres (accès libre)

Petite philosophie des arguments fallacieux

Luc de Brabandère


Éd. Eyrolles, 2021 (165 p. – 14 €) | Commander ce livre

Thèmes : Philosophie, Relations

Le doute contre la certitude

Selon Luc de Brabandère, une argumentation est vraisemblable et valide à condition que les concepts utilisés soient clairs et utiles, que les prémisses soient vraies et que la logique du raisonnement s’appuie sur des bases certaines. A l’inverse, les sophismes sont destinés à piéger et non à échanger des idées, à vaincre et non à convaincre, à battre et non à débattre. Ils sont à l’argumentation ce que le mensonge est à l’affirmation. Ils se fondent souvent sur des ambiguïtés entre trois assertions, s’appuyant deux allégations vraies pour en déduire une fausse (les pauvres manquent d’argent/le manque d’argent pousse à la fraude/les pauvres pratiquent donc la fraude). Mais, les sophismes se nourrissent tout autant de la confusion entre la partie et le tout, de la généralisation hâtive ou de l’implicite, faisant appel à l’expertise, à l’autorité, à l’avis majoritaire, à la tradition, à la nouveauté… pour clore tout débat. Ils permettent d’aimer ce qu’ils approuvent au lieu d’approuver ce qu’ils aiment. S’y opposer nécessite de cultiver cette pensée critique qui donne comme ambition de combattre les slogans, les stéréotypes, les lieux communs, mais aussi la superstition, la crédulité, le sectarisme, la confusion, le dogmatisme, le manichéisme, le simplisme, le prêt à penser, les vœux pieux. Contestant tout autant le nihilisme (qui réfute toutes les valeurs) que l’idéologie (qui enferme dans certaines d’entre elles), elle ne cherche pas à acquérir des certitudes, mais à débusquer et se protéger des stratagèmes favorisant les idées toxiques. La pensée critique articule des attitudes (curiosité, ouverture, tolérance, pensée autonome, refus de tout jugement d’autorité…), des compétences (chercher les causes, prendre en compte la globalité, distinguer entre les faits et les interprétations…), des capacités (percevoir l’information utile, expliquer ses méthodes, énoncer clairement la problématique, dépasser l’aspect superficiel…), des exigences (rechercher d’autres explications, interroger la véracité et la fiabilité, s’assurer d’un accord quant aux définitions et normes…), un potentiel d’adaptation (calibrer sa confiance, ajuster sa croyance, régler son niveau d’adhésion… en fonction de la solidité de l’argument exposé et de notre capacité à l’évaluer). Il y a là un objectif indépassable : quelle que soit la qualité d’un concept, il doit être confronté à autrui.

Jacques Trémintin


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