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PJJ : délabrement dans le 93 et maigre budget national

Éducatrice en AEMO à Montreuil et représentante syndicale CGT PJJ, Sophie Benhaim a découvert cette année l’état de dégradation du foyer PJJ de Rosny-sous-Bois. Fuite d’eau dans les chambres, absence de chauffage, sanitaires bouchés, douches inutilisables obligeant les jeunes à se laver à la piscine, pas de lumière dans les toilettes, draps déchirés…

Depuis trois ans déjà, le délabrement du bâtiment impacte le fonctionnement de l’équipe éducative et des 12 jeunes âgés de 15 à 18 ans. Sur les 14 agents de l’unité éducative d’hébergement collectif (UEHC), 7 ont demandé leur mutation en 2016, puis 3 en 2017. Tous ont été remplacés par des vacataires.

Pour des conditions d’accueil décentes

Après l’été, le CHSCT réclame une suspension temporaire d’activité afin de « remettre l’UEHC aux normes dans le but d’offrir des conditions d’accueil décentes aux jeunes et aux professionnels, de laisser le temps et l’espace aux professionnels d’élaborer les bases de leur action éducative commune et de constituer un nouveau groupe de jeunes n’ayant pas connus ces multiples dysfonctionnements institutionnels ».

Faute de réponse de la Direction territoriale de la PJJ de Seine-Saint-Denis, et malgré un manque de mobilisation du personnel, la syndicaliste décide d’adresser une lettre ouverte au Préfet le 2 octobre. « Tous les éléments relatés ci-contre témoignent de nos observations de terrain ou du récit de jeunes placés dans cette structure, dont nous assurons le suivi éducatif en milieu ouvert » écrit-elle.

Lettre ouverte au préfet

Un appel au rassemblement devant la préfecture est lancé le 17 octobre auprès des éducateurs spécialisés et de la PJJ du 93. La Direction territoriale de la PJJ se déplace sur site pour constater les dégâts. Il s’en suit un gros nettoyage, un changement des toilettes, mais les problèmes de plomberie persistent et l’achat de mobilier neuf n’a pas résisté à l’ambiance dégradée de l’établissement.

Pour le gros œuvre, un budget de 26 000 euros a été débloqué sur 2017, rallongé de 25 000 euros en 2018. La majorité des jeunes ayant vécu les fortes dégradations de l’été a été placée ailleurs. « Les quelques collègues encore en poste attendent de voir avant de se remobiliser, nous avons rendez-vous en décembre » précise Sophie Benhaim.

Un budget insuffisant

Au-delà de ce cas particulier, la CGT PJJ envisage de lancer un mouvement sur la région parisienne, où la situation se dégrade partout. « Avec les réductions de moyens humains, nous mettons plus de temps à intervenir et constatons une augmentation des incarcérations de mineurs. »

Le projet de loi de finances (PLF) pour l’année 2018, avec un budget de 857,2 millions d’euros pour la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), soit 3,4% d’augmentation par rapport à cette année, est donc insuffisant selon ces nombreux acteurs.

Lutte contre la radicalisation, à quel prix ?

La Fédération des associations de protection de l’enfant (CNAPE) et la Fédération nationale des services sociaux spécialisés (FN3S) montrent dans un rapport d’observation (Projet de loi de finances 2018, Budget de la PJJ, CNAPE et FN3S) que l’enveloppe concernant le secteur associatif n’augmentera que de 1,7 millions. Il permettra au mieux de maintenir l’activité des structures et de gérer les dépenses liées aux personnels. Or le rapport demande que soient évalués les budgets en fonction des besoins réels et non supposés des associations. La Cour des Comptes avait déjà souligné en 2014 « une régulation de l’offre essentiellement budgétaire et une absence de confrontation des capacités et des besoins ».

Les fortes augmentations de budget connues sur les années 2016 et 2017 étaient liées au plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme. Les fédérations regrettent qu’elles n’aient pas permis d’investir dans de nouvelles mesures : réduction des délais d’attente auprès des magistrats, élaboration de réponses diversifiées ou renforcement du milieu ouvert, des besoins souvent sous-estimés.

Un état des lieux nécessaire

En 2018 par exemple, l’enveloppe dédiée à la diversification des hébergements - au côté des Centres éducatif renforcés et Centres éducatifs fermés - sera en baisse et ne donnera pas les moyens aux associations de proposer des alternatives innovantes et ajustées aux mineurs.

Repenser la Justice des mineurs et la doter de crédits supplémentaires pour qu’elle puisse remplir sa mission de réinsertion et de socialisation, voilà ce que revendiquent les fédérations. Elles demandent également qu’un état des lieux du dispositif pénal soit effectué ainsi qu’un diagnostic territorial sur les besoins rencontrés.