N° 1288 | Le 2 février 2021 | Critiques de livres (accès libre)

On a tous un ami noir

François Gemenne


Éd. Fayard, 2020 (253 p. – 17 €) | Commander ce livre

Thèmes : Immigration, Pratique professionnelle

Les mythes du discours anti-immigration

Comment contrer tous ces discours contre l’immigration qui contestent tout racisme au prétexte de l’existence d’un ami noir ? Sûrement, en lisant l’ouvrage de François Gemenne qui multiplie les démonstrations contre-intuitives. En commençant par récuser le principe même du débat : s’interroger sur l’accueil et le coût des migrants est aussi légitime que de questionner le poids des personnes âgées ou handicapées dans le PIB ! Pour l’auteur, la migration a toujours existé et existera toujours. Il est illusoire de vouloir l’empêcher, en fermant les frontières. Les seules conséquences d’une telle politique sont de rendre les flux de population plus dangereux, plus meurtriers et plus coûteux. Entre 2000 et 2015, les pays de l’Union européenne ont consacré 11,3 milliards d’euros pour expulser les immigrés. Dans le même temps, le chiffre d’affaire mondial des passeurs fut évalué à 35 milliards de dollars ! Autre mythe celui qui accuse le migrant d’accroître le chômage. C’est là en rester à la représentation d’un marché de l’emploi réduit à un gâteau à partager. Alors que de nouveaux migrants, ce sont de nouveaux entrepreneurs et de nouveaux consommateurs qui développent l’économie. Autre illusion, présenter l’aide au développement des pays de départ comme moyen de freiner la migration de leurs habitants. Les prix inflationnistes des services des passeurs rendent le coût du passage exorbitant. Seules les nations en pleine transition peuvent y faire face. Ce qui explique pourquoi en 2017, 42 % de migrants sont diplômés, contre 21 % en 1998. Bâtiment, service à la personne, restauration, gardiennage et sécurité boudés par les nationaux… manquent de bras. Les gouvernements, piégés par leurs propres discours anti-immigration tenus auprès de l’opinion publique, ne savent plus comment inverser leur politique.

Jacques Trémintin


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