N° 615 | Le 28 mars 2002 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)

Ni anges ni sauvages. Les jeunes et la violence

Patrice Huerre


éd. Anne Carrière, 2002 (296 p. ; 17 €) | Commander ce livre

Thème : Violence

Les jeunes sont souvent accusés de bien des maux en ces temps où l’insécurité est devenue, paraît-il, la première préoccupation des Français. Les statistiques en matière de délinquance des jeunes sont ainsi largement mobilisées par les hommes politiques de tous bords de façon à apparaître comme le meilleur pourfendeur des débordements d’une jeunesse indélicate. Le livre de Patrice Huerre, psychiatre de son état et « spécialiste » des adolescents, vise à tempérer les choses. Il est vrai, cependant, que la période de l’adolescence est propice à certains excès.

Difficile, en effet, de rester maître des nouvelles possibilités qu’offre le corps physique en pleine mutation. Les pulsions sexuelles et agressives se manifestent avec une force encore jamais éprouvée et parvenir à les convertir en quelque chose de socialement acceptable n’est pas une mince affaire ? D’autant qu’à cette époque de la vie, le langage n’est pas encore parfaitement dominé et les mots manquent pour pouvoir exprimer ce que l’on ressent. La verbalisation est pourtant nécessaire pour mettre à distance ce qui se passe et trouver ainsi un certain apaisement.

À cela s’ajoute la violence exercée par les adultes sur les aspirations juvéniles. La contrainte sociale contrecarre les ambitions nombreuses que l’on peut formuler à cet âge et les envies immédiates doivent constamment être différées, contrôlées, repoussées dans un avenir incertain. Cependant, si cet apprentissage de l’attente semble impératif pour l’auteur, il n’en demeure pas moins que la place objective réservée aux jeunes de nos jours est particulièrement réduite.

N’y a-t-il pas une contradiction majeure, par exemple, à exiger un comportement responsable dès quinze ou seize ans alors que la véritable citoyenneté, celle qui s’obtient par la reconnaissance du droit de vote, n’est acquise qu’à dix-huit ans ? De la sorte, on contribue effectivement à déresponsabiliser les jeunes en leur déniant une véritable participation à la construction de leur cadre de vie. Faut-il alors franchir le pas ? En tout cas cela vaut la peine d’y réfléchir sérieusement.

Patrice Huerre insiste également beaucoup sur le rôle de la famille dans la formation des adolescents. Les transmissions de savoir-vivre, de savoir-faire et de savoir-être doivent intervenir en premier lieu au sein de l’environnement familial. Une existence d’adulte équilibrée ne peut en effet se construire que sur des héritages transmis de manière transparente. Toute histoire familiale occultée resurgit un jour et provoque des dégâts difficiles à réparer.

En somme, et nous sommes disposés à le croire, bien des déviances adolescentes pourraient être évitées si elles n’étaient pas induites d’une certaine façon par l’attitude des adultes.


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