N° 945 | Le 15 octobre 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

La sociologie de la délinquance juvénile

Gérard Mauger


éd. La Découverte, 2009 (128 p. ; 9,50 €) | Commander ce livre

Thème : Délinquance

Les variations des statistiques de la délinquance juvénile mesurent autant l’activité des forces de l’ordre (en augmentation ces dernières décennies) et l’accroissement du sentiment d’insécurité (inversement proportionnel aux risques encourus) que le nombre d’infractions constatées. Pour autant, la multiplication par neuf des faits de prédation et par trois des atteintes aux personnes, dans la deuxième moitié du XXe siècle, ne se résume pas à la seule fébrilité policière ou à l’unique panique morale ambiante. Les explications profanes expliquant cette dérive ont recours aux registres essentialistes (penchants naturels au vice), moraux (démission des parents) ou encore sociaux (dégradation des conditions d’existence).

La sociologie se répartit, quant à elle, entre trois types d’école. Il y a d’abord les tenants de causes individuelles : les délinquants agiraient par attirance pour les gratifications induites par leurs actes, profitant de la faiblesse du contrôle social, de la multiplication des cibles attractives et dans le seul souci du présent. Combattre ce phénomène nécessite donc l’accroissement des sanctions considérées comme ayant une valeur dissuasive. Mais, on sait que la menace pénale renforce la solidarité du groupe délinquant et l’emprisonnement encourage son passage de la délinquance occasionnelle à la délinquance professionnelle. Il y a de l’autre côté ceux qui privilégient une vision déterministe : la trajectoire des jeunes délinquants est marquée par le dénuement familial (économique et culturel), l’échec scolaire, le chômage ou les emplois sans qualification. Il faut donc déployer des actions de réhabilitation, la jeunesse étant « une séquence de trajectoire biographique qui se prête plus facilement que d’autres à des entreprises de conversion » (p.26). Mais, l’augmentation de la délinquance durant la période de prospérité des années 1960 fait douter du corrélat entre transgression et misère.

Et puis, il y a les théories multifactorielles qui tentent de réaliser une synthèse entre les différentes explications : si l’homme est toujours améliorable, il est pris dans des déterminismes et des choix auxquels il faut tenter de répondre. Les jeunes délinquants des banlieues ont les mêmes objectifs que les autres, mais pas les mêmes moyens de les réaliser. Aussi, ce qu’ils ne peuvent se procurer d’une manière légale, ils sont tentés de le faire d’une manière illégale. Ils inversent l’indignité de leur échec scolaire, économique et social par un capital agonistique (leur exhibitionnisme pugilistique exprime leur quête d’affirmation virile) et par une délinquance autant expressive (dont l’intérêt se mesure avant tout à l’aune de l’exploit, de la prouesse, du risque encouru, de l’habileté et/ou de la force employées) que d’appropriation.


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