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🎥 CINÉ ‱ L’ñge des possibles


En nous - Documentaire de RĂ©gis Sauder. 1 h 39. Avec Laura Badrane, Cadiatou N’Diaye, Armelle Diakiese, Abou Achoumani, Albert Segarra, AnaĂŻs Di Gregorio, Aurore Pastor, Emmanuelle Bonthoux, Morgane Sanz, Sarah Yagoubi, Virginie Da Vega Lopes. Sortie le 23 mars.

Qu’ont gardĂ© de l’école les Ă©lĂšves de terminale du lycĂ©e des quartiers nord de Marseille qui, avec leur prof de français, avaient planchĂ© il y a dix ans sur un texte exigeant, filmĂ©s par un documentariste ?



Dans un prĂ©cĂ©dent film, Nous, Princesses de ClĂšves, sorti en mars 2011, le rĂ©alisateur RĂ©gis Sauder avait suivi l’immersion de lycĂ©ens marseillais dans l’étude d’un texte hautement littĂ©raire de la fin du 17Ăšme siĂšcle. L’article de Lien Social (n° 1010, 17 mars 2011) consacrĂ© Ă  cette entreprise poĂ©tique et politique se terminait ainsi : « La Princesse de ClĂšves les a certainement aidĂ©s Ă  grandir  ».



Quid de leurs espoirs ?

Emmanuelle, la prof, en est Ă  sa 23Ăšme annĂ©e d’enseignement, toujours en zone d’éducation prioritaire : elle a vu passer dans sa classe 3000 Ă©lĂšves. 3000 prĂ©noms. Ceux qui, avec elle, avaient bossĂ© sur cette fameuse Princesse avaient exprimĂ© des peurs, des angoisses, mais aussi des espoirs de libertĂ© et d’égalitĂ©.
Qu’ont-ils fait de leur colĂšre et de leurs rĂȘves dix ans aprĂšs ? Il y eut d’abord les rĂ©sultats fiĂ©vreux du bac, qui ne leur fut pas, Ă  toutes et tous, favorable. Puis, pour chacun, un chemin Ă  tracer. C’est lĂ  que la phrase du roman « Je sais bien qu’il n’y a rien de plus difficile que ce que j’entreprends » trouve tout son sens.



Bribes de parcours

La promesse d’égalitĂ© des chances, mĂȘme enrichie d’expĂ©riences comme celle-ci, ne serait-elle qu’une chimĂšre ? Dans leurs difficultĂ©s de jeunes adultes, ils — elles, le plus souvent — se dĂ©finissent sans fatalisme, mais plutĂŽt avec la fiertĂ© d’un hĂ©ritage commun. L’une, Virginie, dĂ©jĂ  mĂšre solo d’un petit Lewis de 10 ans, est devenue prĂ©paratrice en pharmacie ; Armelle est cadre pour la Caisse primaire d’assurance maladie de CrĂ©teil (94) ; sa copine Cadiatou fait de son corps un terrain d’expression et a montĂ© une entreprise de perruque
 AnaĂŻs, elle, mise tout sur une Ă©ducation Ă©panouissante pour son petit Paul, et reste au foyer. Laura est pharmacienne, Abou infirmier en Suisse et Albert moniteur d’auto-Ă©cole
 Une autre vit Ă  Malte et s’occupe de bourse en ligne




Marseille, en majesté

Au-delĂ  des alĂ©as des tracĂ©s de chacune et chacun, une vraie rĂ©flexion Ă©merge sur les inĂ©galitĂ©s que l’école publique est censĂ©e compenser, sur les regards ou les textes qui peuvent changer la vie d’un Ă©lĂšve, sur un hĂ©ritage, individuel et commun, Ă  porter avec fiertĂ©. Mais rien n’est acquis aujourd’hui : « nous portons Ă  bout de bras ce qui reste de l’Éducation publique et de ses idĂ©aux  », regrette une enseignante. Quoi qu’il en soit, ces enfants de ZEP sont cĂ©lĂ©brĂ©s comme des hĂ©ros. Et, pour lier cet archipel de destins, Marseille, son charme et sa violence, Marseille l’aimĂ©e — magnifiquement photographiĂ©e — oĂč toutes, tous veulent vivre, retourner
 en aucun cas oublier.

Joël Plantet


Photographies : ©DR