N° 1318 | Le 24 mai 2022 | Critiques de livres (accès libre)

Décarcérez. Cachez cette prison que je ne saurais voir

Sylvain Lhuissier


Éd. Rue de l’échiquier, 2020, (91 p. – 10 €) | Commander ce livre

Thèmes : Prison, Exclusion

Combattre les infox

Que d’idées reçues sur la prison, toutes plus fausses les unes que les autres. « Des prisons trois étoiles ?  » Aucun établissement n’est comparable. Mais si le taux d’occupation des Maisons centrales pour longues peines ne dépasse pas 74 %, celui des Maisons d’arrêt peut atteindre jusqu’à 138 %, les détenus s’entassant dans des cellules surpeuplées, parfois envahies de punaises et de cafards. « Les prisons, c’est fait pour les condamnés !  » On compte parmi les détenus, 42 % de détention provisoire mélangeant des auteurs de petits délits et d’autres bien plus impliqués, justifiant l’adage voulant que la prison soit l’école du crime. «  Les détenus devraient payer leur détention ! » Ils le font déjà, en assurant les services généraux (restauration, entretien, blanchisserie) pour 20 à 30 % du SMIC. Le travail en prison ne se heurte pas au refus des détenus, mais à la pénurie de propositions d’activité salariée, un tiers d’entre eux seulement pouvant en bénéficier. « La justice est laxiste. » Si la justice était si indulgente que cela, comment expliquer que la population carcérale ait été multipliée par 2,5 entre 1978 et 2020 ? « La prison est là pour enfermer les meurtriers, les violeurs et les pédophiles. » Ces catégories représentent 1,5 % des condamnations. Les autres infractions conduisant à l’incarcération relèvent des vols et des recels (26 %), des délits routiers (19 %), des coups et des violences volontaires (14 %), des stupéfiants (13 %) des outrages et des rébellions (6 %). « La prison a pour fonction de protéger la société des délinquants.  » En la matière elle échoue, puisque le taux de récidive à la sortie atteint les 59 %. « Ils ont même droit à des formations.  » À la prison de Fleury Merogis, sur les 1500 détenus postulant chaque année, seuls 300 d’entre eux en bénéficient. On sort généralement d’une incarcération plus désocialisé et plus violent, plus en colère et plus malade qu’on y est entré. Fort de ces constats, l’auteur avance des propositions qui n’ont rien d’utopiques, puisqu’elles ont déjà fait leurs preuves dans des pays comme la Norvège : circonscrire la sévérité de la détention aux détenus dangereux ; favoriser tous les dispositifs alternatifs existants (Travaux d’intérêt général, Composition pénale, Justice restaurative) ; privilégier les conditions de sortie en renforçant les personnels de soins, de formation et d’accompagnement dédiés à sa préparation.

Jacques Trémintin


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