N° 882 | Le 24 avril 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Chronique ordinaire d’un lycée différent

Régis Bernard, Jean-Paul Closquinet & François Morice


éd. L’Harmattan, 2007 (224 p. ; 20,50 €) | Commander ce livre

Thème : Pédagogie

Imaginez une école où les disciplines scolaires céderaient la place à des ateliers interdisciplinaires et où la classe aurait explosé au profit de groupes de besoin. Imaginez une école où tout serait décidé en autogestion, par un conseil d’établissement constitué à parité par des représentants des élèves et des enseignants. Imaginez une école sans hiérarchie administrative, ni pédagogique et où l’on devient prof non à partir de ses points de barème, mais par cooptation de l’équipe éducative.

Non, vous ne rêvez pas : cet établissement existe bien. Il se situe à Saint-Nazaire : c’est le lycée expérimental accueillant 180 élèves encadrés par 20 enseignants. « Expérimental » si l’on veut… c’est une expérience qui dure, puisqu’elle date de 1982. Une poignée de profs sous la houlette de Gabriel Cohn Bendit (et oui, le grand frère de Dany le rouge) envoie un courrier au « camarade ministre » Savary. Ils obtiennent que soit créé un lycée innovant. La chronique publiée par un groupe de profs et d’élèves fait le récit d’une année scolaire. On y suit le quotidien d’un établissement hors norme. La prérentrée est préparée par les enseignants, ou plutôt par les « membres de l’équipe éducative », et les anciens élèves qui participent ainsi à l’accueil des nouveaux. Jusqu’aux vacances de la Toussaint, chacun décide de ses activités et du niveau dans lequel il souhaite s’inscrire.

Au bout de six semaines, un ajustement intervient entre ce qu’on affirme vouloir faire et ce que l’on se montre capable de produire. Cette période est aussi l’occasion de trouver ses marques : logement (beaucoup d’élèves venant de l’extérieur, doivent trouver un hébergement sur place), intégration au lycée, à la ville, problèmes de voisinage, respect de la loi du lycée… « On a l’impression de nager en plein état de grâce, d’appartenir à un bordel organisé où chacun y trouve finalement son compte » (p.55) La pédagogie est délibérément active : sortant du schéma où l’enseignant mâche tout le travail, les élèves sont incités à diriger les cours après les avoir préparés.

Des projets à long terme sont lancés qui demandent un travail de préparation sur plusieurs mois. Le fonctionnement de l’établissement est assuré à tour de rôle par les élèves et les profs. On peut ainsi trouver des adolescents qui assurent la permanence téléphonique, la cuisine ou la cafétéria. Quand le lycée est confronté au racket, au vol, à la dope qui circule, une assemblée générale est convoquée pour trouver des réponses. Quant aux élèves qui, trop souvent, ne se lèvent pas le matin après une nuit de fête ou qui refusent d’œuvrer pour le bien collectif, il faut parfois leur rappeler ce qu’ils sont venus faire là. Un tel établissement est en perpétuelle construction : il n’a jamais fini ni d’évoluer ni d’innover.


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