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14 novembre 2022

🎥 CINÉ • Urgences en Seine-Saint-Denis

Bienvenue à l’Hôpital Delafontaine à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Amin, Evan, Hélène, Lucie et Mélissa, étudiants en médecine, travaillent aux urgences. Éric Guéret les a suivis pendant six mois. Sur le plan médical, on voit comment une équipe procède à des gestes professionnels comme l’intubation, la suture, le scanner, la réanimation, les opérations au bloc, etc. Mais surtout, dans une belle architecture moderne, entre couloirs colorés, salle de réunion, boxes de consultation, chambres, cafétéria, cantine, réserves de matériel, bureau syndical, les situations professionnelles et les entretiens avec les malades sont très bien filmés, avec douceur, beaucoup de respect et de très bonnes analyses, jamais dans le stress.
Le chef du service accueille ces jeunes qui découvrent, souvent avec humour, les consultations en anglais approximatif, les états somatiques (liés à l’alcool ou à la toxicomanie, à la violence faite aux femmes, aux balles perdues dans les cités). Ils se confrontent avec beaucoup d’aisance apparente et de doutes silencieux aux crises psychiatriques, aux fractures, aux cas de plaies à refermer, aux problèmes respiratoires liés au Covid ou non, aux crises d’asthme, à l’épilepsie, aux infections et à l’isolement de certaines personnes âgées...

Sous-effectif et manque de lits

Ils sont très vite mis à pied d’égalité avec les internes, les seniors. Quelques bons coups de gueule efficaces permettent de communiquer sur les retards et sur la fin des soins avant l’arrivée des équipes de nuit (souvent en sous-effectif), sur la bonne gestion des manques de lits (quitte à y passer deux heures). On aborde les problèmes de matériel (câbles manquant, imprimantes en panne, toilettes bouchées, pénurie de chambres, temps à passer pour orienter un patient vers un autre hôpital pour un suivi, manque de personnel de nuit comme de jour). On voit comment l’équipe travaille pour transférer des patients ou pour réorganiser tout l’espace, si un cas de Covid est présent et demande donc l’isolement et la désinfection supplémentaire de tout le service. La question de la responsabilité ou de la faute professionnelle est évitée, collectivement. Si une situation est dure, on ne reste pas seul avec : on appelle éventuellement le service sécurité en renfort.
La violence des cas psychiatriques est toujours abordée d’abord par un entretien rondement mené, suivant tout un bon protocole (avant l’attache et la sédation de la personne si elles s’avèrent nécessaires. On laisse ces patients partir, s’ils le souhaitent, sans jouer aux super héros car il vaut mieux gérer le tout-venant et bien soigner / bien orienter. Les choix professionnels sont clairs. Les séjours y sont longs. Or les manques de lits sont dénoncés, ici. Il faudrait un tiers de lits en plus, même si la santé ne sera jamais rentable.

Engagement

La réflexion de ces jeunes sur leur métier et sur l’importance de la fonction publique souligne bien l’engagement humanitaire quotidien dans lequel ils s’inscrivent totalement, malgré leur fiche de paye scandaleuse. Leur passion et leur dévouement sont totaux (même si l’université ne les a pas préparés à des situations concrètes). Ils revendiquent leur rôle, même si l’arrivée aux urgences restera un passage dans leur vie, cette étape les confrontant à toutes les situations et à tous les types de diagnostics. La vision technologique de l’hôpital est ici secondaire car la relation et le travail humain priment, passant avant les ordonnances, les réunions teams et l’administration. Ces nouveaux soulignent très bien comment ils cherchent à créer des « outils d’orientation pour les patients » qui restent à inventer comme, par exemple, des adresses pour aider à porter plainte, des listes d’associations spécialisées (pour des problématiques ou maladies spécifiques), des aides aux personnes réfugiées, des guides juridiques, des contacts avec la Maison des femmes de Saint-Denis (1) ou des associations de quartier, un réseau d’assistantes de service social référentes, des lieux de placement en maison de repos, des adresses de centre socio-éducatifs… Bref, la réforme polyvalente de l’hôpital est lancée avec cette jeune génération généreuse et altruiste.

Agnès Montagne

Premières urgences, un film de Éric Guéret. Production Haut et Court Doc. 1 h 40. En salles le 16 novembre.

(1) BD • Un cocon pour les femmes

Voir aussi reportage Maison des femmes : attention, fragile… dans Lien Social n° 1206, 2017, page 18, rubrique Fabrique du Social.