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 Presque - Un film de et avec Bernard Campan et Alexandre Jollien.
1 h 32.
Film présenté au premier festival du film de société de Royan (9 – 12 décembre 2022)
  Sortie le 26 janvier 2022

Un road movie coloré, léger quoique funèbre, nous entraîne avec humour et sagesse dans le sillage de Bernard, valide et intégré, et d’Alexandre, handicapé et érudit.

Lui-même philosophe (et accessoirement paralysé cérébral), Alexandre Jollien raconte volontiers la saillie de Diogène : « si tu veux être philosophe, tu prends un hareng et tu le traînes derrière toi en traversant la ville d’Athènes  ». L’éternelle question du regard sur le handicap, en somme.

La vie, la philo

Igor et Louis se rencontrent accidentellement. Va naître une relation complémentaire, inattendue, voire farfelue. Mais porteuse de sens. Le premier, livreur de pizzas bio dont l’autonomie physique et l’élocution sont problématiques, est aussi philosophe accompli, nourri de Nietzsche, d’Épicure, de Spinoza et de Platon. Très attachant dans son étrangeté, il connaît les Stoïciens et sait comme personne se saisir du kairos, le bon moment, l’opportunité à saisir. Il revendique l’insouciance en se référant à Montaigne, mais cultive la profondeur de sa pensée. Tout cela avec humour.

Valide, normal, quoi

Son désir d’expérience métaphysique sera à l’origine de ce périple inattendu. Car le second, Louis, enfermé dans son drôle de métier de pompes funèbres, lui-même cabossé par la vie, a tout à recevoir — humainement, philosophiquement — de son compagnon handicapé moteur. Les deux voyageurs vont mutuellement se transformer, s’ouvrant chacun de nouveaux horizons.

Légitimité

« On n’est jamais légitimé quand on est une personne handicapée. On doit toujours se faire sa place », rappelle Alexandre Jollien. Même la question de la sexualité fera joliment irruption dans le road-movie. L’acteur philosophe, qui a vécu dans sa vie dix-sept années d’institution et se souvient — malheureusement — de « l’éducateur castrateur », va vivre un délicieux moment de séduction réciproque.

Question de regard

« L’idée [avec ce film, ndlr] est de convertir le regard sur la marginalité et sur l’autre  », espère Alexandre Jollien. Omniprésente aussi dans Presque, la mort, celle qui nous attend et nous propose au quotidien de vivre le mieux possible le temps qui nous est imparti. Mais le film — ouf — ne tombe jamais dans le piège de la bien-pensance : il s’intéresse plutôt à une définition du bonheur, toujours inscrit, ici, dans une dynamique de progrès.

Joël Plantet