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■ ACTU - Personnes exilées : retenues malgré la pandémie

En 2020, la crise sanitaire n’a pas épargné les personnes retenues. Bien au contraire, elles ont subi un enfermement traumatisant, comme le souligne le 11ème rapport des associations qui les soutiennent.


Centre de rétention de Rennes


« Durant la pandémie, alors que la population a été confinée à plusieurs reprises et les lieux jugés "non essentiels" fermés, la France a continué à enfermer des hommes, des femmes et des enfants en centre de rétention administrative  », dénoncent les associations qui les accompagnent (1). 28 000 personnes ont ainsi subi un « enfermement traumatisant  », souligne leur rapport 2020, présenté le 6 juillet (2).
La recommandation du ministère de l’Intérieur de ne pas excéder 60 % du taux de remplissage pour permettre une distanciation, n’a pas été respectée partout. Les protocoles sanitaires ont été mis en place au fur et à mesure, sans uniformité nationale. « Certains centres de rétention administrative (CRA) ont testé systématiquement les nouveaux arrivants avant de les placer dans les lieux communs, d’autres pas, illustre Justine Girard responsable nationale rétention de La Cimade. Dans certains, les médecins prenaient la température des personnes retenues dans d’autres pas. Les quarantaines étaient mises en place de façon aléatoire dans les CRA où les personnes ont été testées positives. Des établissements les mettaient en place dans certaines situations mais à d’autres périodes ne le faisaient pas. Les quarantaines n’étaient pas réservées aux personnes testées positives mais à toutes celles retenues. »


Centre de rétention du Mesnil Amelot - Seine et Marne


Exposition au virus

Les personnes en rétentions ont été exposées au virus, aux foyers de contamination – leur nombre exact reste inconnu pour cause de confidentialité des données. Celles vulnérables – malades, souffrant de comorbidités, de troubles psychiques, voire psychiatriques, importants – sont restées enfermées, avec le risque de développer une forme grave de la Covid-19. Ainsi, une personne malade, retenue malgré trois certificats médicaux, a été contaminée.
Dès le 19 mars, constatant l’absence puis l’insuffisance de protocoles sanitaires, les associations ont interpellé le ministre de l’Intérieur pour obtenir la fermeture des lieux de rétention administrative, la suspension des placements et la libération des personnes retenues. Sans succès, malgré les recommandations du Défenseur des Droits et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL).
Sanctionnant ces privations de liberté illégales lors du premier confinement, les juges ont massivement libéré des personnes placées en CRA sans que ces décisions infléchissent la politique du gouvernement.


Centre de rétention du Mesnil Amelot - 2020 - Seine et Marne


Expulsions impossibles

La fermeture des frontières rendait pourtant impossible les expulsions d’une grande majorité des personnes retenues qui le sont restées d’un à trois mois (alors que la durée de rétention varie de 1 à 90 jours). Les sortants de prison constituaient un quart des placements en rétention, ce qui revêtait un caractère abusif dès lors que l’éloignement à bref délai n’était pas possible.
En plus de ce contexte délétère, la crise sanitaire a engendré des atteintes et des restrictions de droits de la part de l’administration (interdiction de visite, recours systématique au mode dégradé d’accès à la justice que constituent les visio-audiences, etc.). Autant de facteurs qui ont augmenté le mal-être et l’angoisse des personnes et renforcé leur sentiment d’impuissance face à la machine judiciaire. Par la suite, les associations ont constaté des mouvements de contestation (grève de la faim) et des gestes désespérés (actes d’automutilation, tentatives de suicide).

« Au-delà de la condition humaine »

L’Outre-mer, et notamment Mayotte, comptent plus de la moitié des personnes interpellées en France. Le rapport dénonce une politique d’enfermement de l’État « particulièrement indigne » : non-respect des recommandations sanitaires, personnes mélangées (testées, non testées, positives, etc.), augmentation de l’enfermement de mineurs déclarés majeurs par l’administration, placés avec des adultes inconnus, dont des sortants de prison, avec les risques et l’anxiété que cela génère. « Avec la chaleur, l’insuffisance de la climatisation, nous étions au-delà de la condition humaine  », dénonce Fahd Nouroudine, coordinateur asile et rétention de l’association Solidarité Mayotte. Tout cela a provoqué des tensions entre les personnes retenues, la police et même les associations. »
La Cimade et d’autres réitèrent leurs recommandations annuelles : la fermeture des centres de rétention et l’arrêt de la construction en cours de quatre nouveaux établissements.

Katia Rouff-Fiorenzi


(1) La Cimade, ASSFAM-Groupes SOS Solidarité, Forum réfugiés-Cosi, France Terre d’Asile et Solidarité Mayotte.

(2) Rapport 2020, présenté le 6 juillet