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✖ TRIBUNE - Lutter contre les séparatismes : des bonnes intentions aux pièges d’un électoralisme et du nationalisme

Le projet de loi contre les séparatismes sera présenté en conseil des ministres le 09 décembre prochain. Emmanuel Macron en a dévoilé l’économie générale lors de sa venue le 02 octobre dernier aux Mureaux.
Derrière la nécessaire lutte contre l’islamisme radical vient aussi se cacher une mystique : celle de l’unicité de la France.
Si le propos du Président n’était pas inspiré par de possibles considérations électorales, nous pourrions saluer le louable projet de vouloir relier lutte contre les inégalités et lutte contre les différents séparatismes qui minent le socle de notre République. En effet, les séparatismes ne sont pas que religieux : de ceux qui refusent les soins à ceux qui endoctrinent les enfants dans des dogmes religieux qui opposent les civilisations, il y a un gros travail à accomplir pour que l’esprit des Lumières soit bien présent dans nos lois et nos quartiers. Et vouloir cibler principalement l’islamisme radical, n’est-ce pas un peu réducteur et excluant ?
En effet, le séparatisme comme le communautarisme frisent souvent avec la manière dont le nationalisme français organise sa conception du monde.
Entre un Eric ZEMMOUR magnifiant la civilisation blanche et chrétienne et un Michel ONFRAY qui au nom de la défense d’une identité française allant de Montaigne à Prévert, de Rameau à Dutilleux se cache aussi une lecture glaçante du choc des civilisations tel que l’a théorisé Samuel HUNTINGTON.
Ces deux-là font le show sur C news : l’un nous dit que les mineurs non-accompagnés sont des voleurs et des violeurs et l’autre sur son blog nous dit qu’il n’y a aucune raison de comprendre les ressorts psychologiques à la radicalisation, qu’il faut refuser un pseudo discours compassionnel, qu’il faut accorder une pleine confiance aux forces de l’ordre et cesser de criminaliser leur profession en victimisant les coupables , qu’il ne faut surtout pas s’excuser de notre histoire, qu’il faut parler de la traite négrière effectuée par les arabo-musulmans et qu’il faut isoler à tout jamais les djihadistes. Bref, entre ces deux nationalistes, il y a comme un relent de refus d’y voir les causes sociales, religieuses, culturelles, historiques qui conduisent à ce séparatisme.
Parlent-ils de la concentration des populations en fonction de leur origine, de cette mixité sociale poussive, de l’impossibilité de mobilités économiques, sociales et territoriales qui sont autant de réalités exploitables par les fanatiques religieux, par ceux qui disent vouloir redonner une dignité aux relégués ?
Parle-t-on de la même Histoire de France, de la même République, est-il question de l’insurrection parisienne du 10 août 1792, de la Commune de Paris de 1871, de la France de Pétain qui signa l’Armistice le 22 juin 1940, des 400 000 morts de la guerre d’Algérie et son lot d’exactions de l’OAS ?
Nous faire croire à une mystique d’une France univoque et rassemblée est une lecture pour le moins fausse des rapports de forces et des luttes qui ont jalonné notre France depuis l’abolition de la Royauté.
La dilapidation du programme du Conseil National de la Résistance qui donna à voir la force de notre devise républicaine, Liberté Egalité et Fraternité est sous-tendue par le néolibéralisme qui prédomine dans toutes les politiques économiques mondiales. Même si certaines sont faites au nom du maoïsme et d’autres au nom du capitalisme, les inégalités et la concentration des richesses sont devenues une vraie bombe à fragmentation.
Les apologies de la suprématie de la race blanche, les messages de rupture portés par les Frères Musulmans, le wahhabisme, le salafisme portent en eux-mêmes cette même fracturation et cette même exploitation de ce qui fait profondément rupture dans l’universalité et la lutte pour l’égalité des droits.
Bien évidemment, comme le souligne le rapporteur de l’Observatoire de la laïcité, nous défendons depuis longtemps le renforcement du contrôle des mosquées et la nécessité de restaurer la mixité sociale dans les quartiers.
Mais soyons vigilants sur les annonces du Président. L’instruction à l’école obligatoire dès 3 ans, l’obligation de neutralité religieuse, la dissolution de toute association qui ne respecterait pas une charte de la laïcité et qui atteindrait à la dignité de la personne, l’intention de libérer l’islam de France des influences étrangères, si elles portent en elle des éléments constitutifs de notre culture des Lumières, peuvent aussi conduire à des excès normatifs et une inégalité de traitement des radicalités religieuses.
Lutter contre les écoles coraniques ne doit pas fermer les yeux sur ces écoles religieuses ou obscurantistes qui consacrent un temps colossal à l’enseignement de la Torah ou de la Bible, qui refusent la mixité, qui rejettent l’enseignement de la théorie de l’évolution. Il faut s’en prendre à tous ces bastions de la superstition et de l’obscurantisme.
Nous devons nous en tenir aux principes de la loi de 1905 qui garantit la liberté de conscience pour tous.
Utilisons tous les outils de notre droit pour combattre le racisme, les inégalités, les injustices sociales, fiscales, rendons possible l’accès à l’emploi, ne refusons pas la diversité culturelle et en cela ne traitons pas de la même manière les écoles bilingues des séparatismes religieux ou obscurantistes, renforçons notre solidarité internationale et conduisons notre diplomatie vers le multilatéralisme.

Jean-Luc Boero