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► LE BILLET de Vince • DLC* de solidarité

On avait échappé au pire il y a quelques années avec une tentative de qualification de délit à l’encontre de Cédric Herrou dans le cadre de son engagement militant en faveur des migrants : le fameux délit de solidarité ! Et pourquoi pas un délit de paix ou d’amour ? Manifestement, les bons sentiments interrogent toujours le cadre de la légalité.
Aujourd’hui, nos systèmes de solidarité sont en permanence mis à l’épreuve de la législation. A l’aube d’un projet de loi Asile et Immigration manifestement orienté vers un durcissement des conditions d’accueil, les questions éthiques relatives à la dignité des personnes accueillies ou accompagnées ne semblent pas émouvoir grand monde.
Créés en 1985, les Restos du Cœur avaient déjà vocation à pallier les défaillances étatiques en matière de solidarité. Bientôt 40 ans après, non seulement ces défaillances perdurent mais la précarité s’est aggravée. L’outil pensé par Coluche s’est institutionnalisé, presque inéluctablement, dans un fatalisme sociétal déconcertant. Les gouvernements se suivent et se ressemblent, se désengageant de plus en plus de leurs responsabilités régaliennes et se reposant sur l’alternative facile du monde associatif.
Ce système associatif, bien que toujours engagé et actif, ne s’interroge parfois même plus sur les effets de ces arrangements politiques. Nous, acteurs bénévoles ou professionnels de la solidarité, appliquons des principes devenus mécaniques, satisfaits du moins pire. La distribution de yaourts presque périmés aux plus démunis est devenue une norme qui n’interroge que trop peu nos valeurs. Certes un yaourt à DLC courte est encore tout à fait consommable et ce serait une aberration de le jeter. Mais pourquoi toujours destiner sa distribution aux réseaux de l’aide alimentaire ? Pourquoi les pauvres n’auraient pas droit à des yaourts à DLC longue ou à des fruits non déclassés ? Les besoins de subsistance sont tels aujourd’hui que nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas assurer cette assistance alimentaire mais elle devrait s’accompagner d’un plaidoyer pour l’équité. Qui ose aujourd’hui proposer une redistribution des cartes de la solidarité ? Dans notre système capitaliste, même le mécénat des industriels de l’alimentation devient une hypocrisie absolue puisqu’il sert avant tout une stratégie commerciale. La véritable générosité ne repose pas sur un plan de communication ! Elle s’invente au quotidien, dans des prises de risques débarrassées de toute intention mercantile.
Nos institutions sont en crise. Elle se sont malheureusement accoutumées à l’organisation désastreuse des politiques de solidarité, et ce malgré une armada de ministres ou de secrétaires d’État dédiés à la cohésion sociale ou à l’égalité des chances. Nous en arrivons même à des solutions abjectes de financement d’une action censée être publique. Les contrats à impacts sociaux par exemple sont de véritables pièges spéculatifs construits sur le dos des plus fragiles.
A défaut d’une nouvelle République, je demande de toute urgence la création d’un ministère du yaourt !

*Date Limite de Consommation