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► LE BILLET de La Plume Noire • Sanctions éducatives

Mathieu est en maison d’enfants à caractère social (MECS) depuis cinq ans maintenant. Accueilli à l’âge de neuf ans il en a aujourd’hui quatorze. C’est une vraie plaie et, à ce titre, l’équipe éducative et l’équipe de la direction, en accord cette fois-ci, envisagent sérieusement de mettre fin à la prise en charge. Face cet être exécrable qu’est devenu Mathieu, base et hiérarchie ont aisément trouvé un accord pour le projet futur du jeune : exclusion… pardon…orientation.
Mathieu crache à la gueule des gens. Avec, il lance des « Va niquer ta mère ! » « Je vais t’enculer salope ! » « Espèce de connard je vais te crever ! » À la MECS, personne n’y échappe. Ses crises sont légendaires. Il casse tout et ce qu’il aime outre-mesure c’est renverser des bouteilles de jus d’orange ou de sirop sur le sol tout en regardant avec arrogance l’éduc bien dans les yeux. Il fume joint sur joint, refuse de mettre la table, de ranger sa chambre, …, tout est source de conflit.
La mère de Mathieu est en hôpital psychiatrique. Son père s’est suicidé en prison. La nuit, en position fœtale, Mathieu suce son pouce, se pisse et se chie dessus. Cet enfant est sans limites, qu’elles soient psychiques ou corporelles. Plus rien ne tient. Pourtant quand il s’est retrouvé sans famille, le travail social lui a expliqué (promis) que la MECS lui conviendrait. Des professionnels allaient prendre soin de lui. Ils seraient là pour lui. Apparemment, quelque chose a foiré puisque cinq années passées en ces lieux ont fait de cet enfant perdu, quasi orphelin, un petit con de première qui aujourd’hui ne suscite que le rejet.
Les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Mathieu y a cru et très rapidement, il a vu le mensonge poindre. C’est arrivé avec la première sanction. En colère, en souffrance, empli de douleur, terrorisé quand venait la nuit, Mathieu a commencé à exprimer cette peur avec toute la violence relative à sa propre histoire. Alors, quand cette éducatrice s’est énervée car il refusait de se coucher, il lui a craché à la gueule en la traitant de sale putain. Ni une, ni deux, en réunion d’équipe, la sentence est tombée : Sanction. Mathieu n’irait pas à la sortie fête foraine prévue avec les autres enfants. Il resterait à la MECS avec la maîtresse de maison. Mathieu ne comprenait pas. Il avait peur, il souffrait, l’exprimait, et voilà qu’en guise d’écoute, d’accueil, il avait droit à une punition. Le jour de la sortie, il vida sur le carrelage de la cuisine et sous le regard médusé de la maîtresse de maison sa première bouteille de jus d’orange. S’ensuivit une guerre afin qu’il nettoie, qu’il répare sa faute, puis, une nouvelle sanction. Avec les temps, les insultes, le sirop et les sanctions ont fait boule de neige.
Alors, quand débarque un nouvel éduc et des éducs il en débarque bien souvent, de ceux qui lui disent qu’ils sont là pour lui, Mathieu se montre toujours sous son meilleur jour, celui du petit merdeux exécrable. Mathieu attend désespérément l’éduc qui agira différemment. Celui qui un jour se mettra à quatre pattes pour nettoyer lui-même le jus d’orange. Mais non, tous se succèdent et sont là pour lui à condition qu’il dise « Merci » et comme il ne sait dire que « Merde » tous sanctionnent. Cependant, tout n’est pas perdu car il s’agit avant tout de sanctions éducatives.