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► LE BILLET d’Olyric • Une rencontre

Je suis assis à ce bureau devant cette gamine qui pleure. Elle me raconte sa souffrance, sa douleur… Je l’écoute, la regarde, effondrée, sans dire un mot... Elle est désemparée par ce qu’elle ressent au fond d’elle-même, dit préférer mourir, là tout de suite... J’ai l’habitude pourtant, mon expérience de vieux briscard mais là.... Je suis désarçonné par l’authenticité de cette jeune fille devant moi. Elle vient d’arriver, elle a 12 ans seulement ... Je la reçois pour un rappel à la règle, pour l’aider à mieux vivre avec les autres ...
Elle, elle est en colère, dans l’urgence permanente de moins souffrir et elle se fait entendre ... Un peu trop semble-t-il. Alors, je fais le méchant et tente de lui expliquer qu’il faut qu’elle s’apaise, un peu.
Elle renifle d’un seul coup, relève la tête et me rétorque : « vous croyez que je peux me calmer comme ça avec une vie comme la mienne.. ma mère veut que je meurs » Ses larmes coulent sur ses joues rougies par la colère…
Je tente de rester solide dans ma tête et dans ce que je vais lui dire ... « Je sais que tu souffres et que ta vie est difficile, je sais pourquoi tu es là, mais je sais aussi que l’on va t’aider le plus que l’on pourra  »
Elle me toise, me transperce de ces yeux brillants et intelligents. Je sens que mes mots la touche, elle écoute, silencieuse... Elle est là depuis 3 jours, dans cet endroit aux vies écorchées, mais depuis longtemps ballotée dans des lieux pas très ouatés.
Le silence a envahi le bureau. Dehors le bruit des autres, l’agitation qui lui fait peur aussi....
Elle me regarde, un peu apeurée et en même temps rassurée. Un bout de confiance est en train de s’instaurer... un petit bout.
« Comment on peut t’aider ? Parce qu’on ne se connaît pas, il va falloir que tu nous aides aussi, à te comprendre....  »
Elle me fait face mais se détend et me répond : « c’est bizarre ta question, euh pardon, votre question ? Je sais pas moi... »
« C’est vrai, ma question est bizarre, mais on a pas de baguette magique, ni de boîte où on trouverait comment les jeunes iraient mieux, comme ça. Alors, on a besoin de vous, de toi, pour t’aider à grandir dans ce monde qui t’es insupportable »
Ses yeux ont séché et s’éclairent davantage... Nous sommes en train de construire un bout de relation, comme celle d’apprivoiser un petit oiseau blessé qui aurait peur de tout et qui ne croit plus en rien...
Ses mains se sont décroisées et a relevé la tête...
« Alors, t’es prête pour notre aventure, pour que l’on t’aide à tracer ta route ? Nous ne serons qu’un petit bout de ton histoire mais ça peut être bien »
« D’accord mais j’y crois pas beaucoup »
« Pas très grave tu sais, on va y croire pour toi et t’aider à supporter tout ça... On va se voir souvent, je te redirai tout ça aussi, et doucement tu vas retrouver le sourire et l’envie de grandir. »
Le bureau a repris des couleurs, malgré ses murs gris et ses meubles vieillots... Notre échange a suffi à ensoleiller cet endroit chargé de souffrance..
« Bon, si on est d’accord, jeune fille tu peux repartir avec tes camarades, ma porte est toujours ouverte...  »
Elle se lève, le sourire encore triste, le poids de son histoire sur ses épaules...
Elle ouvre la porte, passe le pas de la porte et se retourne en me regardant dans les yeux et me dit : « merci beaucoup »
Je la regarde partir dans ce couloir du foyer... Quelques secondes pour reprendre mon souffle, de ce moment d’une rare intensité émotionnelle, d’une rare authenticité. Comme si le temps s’était arrêté un instant... pour quelques mots intenses et vrais.
Une gamine incroyable, dure et douce, dans l’espoir de ne pas mourir et d’avoir envie de vivre ..
Dans l’espoir aussi de calmer sa colère et d’espérer en de l’aide ...
Et dire que je m’apprêtais à l’engueuler pour son comportement provoquant et insolent ...
Et dire que j’allais passer à côté de sa souffrance.
Ses yeux ont fait le reste, en me transperçant littéralement, en m’invitant à la comprendre et à l’écouter vraiment ...
Il lui faudra du temps pour allez mieux, pour supporter ce qui reste de supportable pour se tracer un chemin parmi toutes ses fêlures...
Elle m’a touché cette gamine au cœur lourd, comme rarement...
Je suis ko dans mon bureau, vidé mais heureux
Heureux de ce moment, de ce bout de vie, d’une demi heure à se parler et à écouter le silence...
Pour lui donner un peu d’espoir pour avoir envie d’avancer quand même...