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C’est l’histoire d’un petit gars qui n’a pas d’appétence ! Dixit son dossier... Y’a de quoi sourire en lisant « peu de centres d’intérêt », quand on le connaît. Moi, je préfère le temps de la découverte. J’ai toujours peur de me sentir ligotée par les mots des autres et d’embarquer l’enfant dans un monde d’idées préfabriquées. Après, c’est le bazar pour l’en extraire. J’en connais plein qui se conforment à ce qui est dit sur eux. C’est dur de se dépêtrer des a priori, ça laisse des traces indélébiles. Alors j’arrête de lire le boulet qui plombe leur avenir en rêvant qu’un autre regard, une autre oreille et une nouvelle rencontre dévoileront ce qu’ils n’ont jamais osé risquer. J’en reviens à Pedro : le garçon en manque de « passion ». Il est arrivé en France il y a deux ans, parle français couramment et entre en relation naturellement. Il s’est fait virer de l’école ‒ son indifférence en bandoulière sûrement ‒ et a rejoint un institut médicoéducatif en septembre. Je me demande s’il s’ennuie avec ses pairs car il discute souvent avec les adultes. Il s’interroge sur leurs bords politiques et leur demande s’ils sont communistes ou capitalistes. Dès qu’on lui retourne la question, il répond qu’il n’aime pas les communistes ! Il argue sans honte que son grand-père était phalangiste en précisant que les phalangistes étaient ceux qui étaient du côté de Franco. Manquerait plus qu’il s’adresse à des ignorants ! Il veut être sûr d’être bien compris. Il a passé des heures à faire des recherches pour réaliser son arbre généalogique en remontant jusqu’à ses arrière grands-parents. Au moins, savoir « d’où il vient et qui il est » semble retenir son intérêt ! Il s’est présenté aux élections de délégués de classe ‒ c’est important que les élèves aient un représentant, ils ont des droits, pas que des devoirs ! ‒ et entonne en toute simplicité qu’il ne votera pas pour lui car c’est égoïste. Dernièrement, la psycho est venue dans la classe pour se présenter. Pedro n’a pas manqué de lui demander si elle pouvait venir pendant une heure expliquer en quoi consistait son travail. Elle lui a répondu que c’était beaucoup une heure ! (Même moi, je trouve que c’est peu.) Comme il est curieux et qu’il n’a pas la langue dans sa poche, il lui a rétorqué avec assurance qu’il faudra bien qu’elle prenne ce temps-là car le savoir c’est important, rajoutant le savoir c’est le pouvoir ! Quel âge a-t-il ? Ben à peine treize ans, pourquoi ? J’aurai été bien en peine de parler des phalangistes, d’élaborer mon arbre généalogique et d’affronter un adulte avec aplomb au même âge !