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► C’est quoi le problème ? Par Mélodie • Novembre, le T-shirt et les crocs

Quel âge, peut-il avoir ? Six ou sept ans... guère plus. Un joli petit blondinet à l’œil inquiet sort le premier de la classe, rejoint la cour et se cale juste derrière la ligne à ne pas dépasser, à deux mètres du portail. La cloche n’a pas sonné, il attend ; son lourd cartable porté à deux mains lui cache les jambes jusqu’aux chevilles. Mon regard s’attarde sur le bas de son pantalon ; il est en crocs, sans chaussettes ! Y’a pas de mal à être en crocs, mais fin novembre, un jour de pluie glaciale, j’en ai des frissons. Je lève les yeux et aperçois ses deux épaules à l’air. L’encolure de son T-shirt est étirée au maximum entre ses deux épaules. Quand, par malheur, le tissu glisse et les recouvre, il s’empresse de les décolleter. La capuche de son anorak en équilibre sur sa tête, il scrute le groupe de parents qui attendent derrière le portail. La maîtresse à ses côtés semble blasée et ne lui demande pas de s’habiller correctement ni ne l’informe qu’il fait trop froid et trop humide pour ne pas enfiler son manteau ! ‒ elle connaît sans doute le fin mot de l’histoire, celle qui me donnerait des billes pour comprendre l’enfant. Mes petits loulous arrivent en courant, nous partons. La semaine suivante, même scénario ! Je reste un peu plus longtemps et observe discrètement cet enfant décalé au regard angoissé. Il fronce les sourcils, dégage toujours ses épaules dès qu’elles sont recouvertes et cherche des yeux sa mère, en se dandinant. Il sait qu’elle n’est jamais à l’heure, mais il garde espoir. Il rêve sans doute de ne plus être le premier sorti pour finalement être quand même le dernier parti ! Elle arrive enfin, le regarde à peine et lui dit mets tes manches. Il la suit, les épaules dénudées. Le lendemain, il porte des baskets. Je crois qu’il n’a pas eu le choix : journée sports collectifs ! Je pense régulièrement à ce petit bonhomme ‒ qui ne s’enrhume jamais ! Mes petits-enfants auraient déjà eu une crève, une bronchite, une otite et j’en passe ‒ et aux attitudes désinvoltes des adultes qui l’entourent. J’imagine qu’il a des troubles sensoriels voire des traits autistiques (quoiqu’il aurait peut-être tendance à s’emmitoufler si c’était le cas !). Mais qu’en est-il de cette mère qui baisse les bras, lui dit de mettre ses manches, sans trop y croire, et sans l’accompagner de gestes enveloppants et/ou de mots tendres ? Elle (l’) abandonne ! Cet enfant innocent est victime de son impuissance à retenir l’attention et récolte l’indifférence des adultes responsables de lui. Quand sa mère sera-t-elle la première arrivée à l’heure de la sortie, un sourire lumineux éclairant son visage doublé d’un regard soucieux lui intimant d’enfiler son manteau ?


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