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► C’est quoi le problème ? Par Mélodie • Angoisse des grands, drame des petits !

Les voitures roulent sans discontinuer sur la rocade. C’est une heure de pointe. Un petit garçon tente de la traverser. Une voiture freine à sa hauteur, le conducteur sort de l’habitacle. L’enfant ‒ apeuré ou simplement déterminé ‒ prend ses jambes à son cou dans la direction opposée. L’homme le rattrape, le tient fermement tout en lui parlant. Je suis trop loin pour entendre les mots, mais l’enfant ne se débat pas, il semble écouter. Une voiture de police, toutes sirènes dehors, se glisse au milieu de l’embouteillage provoqué par la scène. Des coups de Klaxon retentissent un peu plus loin, les gens s’énervent ‒ surtout ceux qui ignorent la raison du bouchon. Les policiers se frayent un chemin, se garent et se précipitent vers l’homme et l’enfant laissant les portes du véhicule ouvertes et la sirène retentir. Le petit se blottit derrière l’inconnu. Après quelques palabres échangés entre les adultes, l’homme le confie aux policiers. Ces derniers stoppent enfin la sirène avant d’installer le garçon sur le siège arrière. J’apprends ‒ en lisant la rubrique des faits divers le lendemain ‒ qu’une institution était en ébullition la veille, suite à l’escapade d’un pensionnaire. Oh, le gosse d’hier ! Comment éprouver un tel désespoir à dix ans ! A-t-il trouvé des bras pour l’accueillir, le réconforter, lui donner confiance en la vie ? Des images plus anciennes carambolent les présentes. J’imagine alors le pire : des parents violents qui lui en collent une ‒ lui faisant promettre de ne pas recommencer ‒ ou une équipe tellement angoissée et essoufflée ‒ d’avoir couru dans tous les sens ‒ qu’elle le punit sans trop réfléchir et le regard du petit balaie les visages des uns et des autres sans pouvoir s’arrimer fermement à aucun d’entre eux. Je sais ce qui me tarabuste et provoque en moi un malaise étrange en repensant à cet enfant qui met sa vie en danger sur l’autoroute : un ancien scénario vécu dans ma jeunesse ! Je suis à l’époque directrice d’un centre de loisirs. Un enfant du même âge se casse le fémur en faisant de la luge. Je l’accompagne dans l’ambulance pour rejoindre l’hôpital et pendant le trajet, il me dit que sa mère va l’engueuler, car son pantalon est sale et déchiré. Mais non, ta maman va surtout être navrée que tu aies la jambe cassée ! Plus on approche de l’hôpital, plus je le sens nerveux. Quand nous pénétrons dans le hall, sa mère ‒ qui est infirmière ‒ nous attend et lui met une grosse brasse, car son pantalon est déchiré ! Il se retourne vers moi l’air de dire tu vois, je te l’avais bien dit. Il part en salle d’opération. J’apprends plus tard qu’il a été sauvé in extremis ; il faisait une hémorragie interne ! Certains adultes sont à côté de la plaque et j’ai peur qu’un autre môme en fasse les frais. Il fugue, certes, mais justement quel appel au secours adresse-t-il à ses ainés en passant à l’acte ? N’est-ce pas la moindre des choses d’accueillir les tourments des êtres fragiles en devenir ?


Archives : Jeunes/ enfance