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■ ACTU-Malgré la crise, l’Armée du Salut développe ses projets

Caméras, discours et petits fours, l’association humanitaire a mis les petits plats dans les grands pour montrer sa capacité à innover. Au-delà de la joie de recevoir, le manque de reconnaissance du travail social restait très présent dans les prises de parole.

En pleine crise du recrutement, l’Armée du Salut invitait partenaires et financeurs à découvrir, ce lundi 20 juin, un nouveau lieu d’accueil pour femmes vulnérables. Confectionné avec des conteneurs maritimes disposés sur trois étages, il vient d’ouvrir et peut accueillir vingt femmes. Elles seront encadrées par deux travailleuses sociales qui ont choisi le nom de cet ilot sécurisant, où chacune à sa chambre aménagée avec salle de douche et kitchenette : Entr’elles.



Entr’elles, un lieu d’accueil de vingt places sorti en six mois. ©Myriam Léon

Ce lieu a vu le jour suite à une discussion entre la Ville de Marseille et la direction de l’Armée du Salut en décembre. Une idée jetée comme une bouteille à la mer, « si on avait ce terrain, on pourrait créer un dispositif pour femmes marginalisées ». La municipalité étant propriétaire du foncier, le maire a répondu banco. Les financements de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) permettent de lancer le projet. Six mois plus tard, les nombreux partenaires présents lors de l’inauguration témoignent de la pertinence de la création de petites structures de stabilisation à l’accueil inconditionnel.



Un accueil sans limite dans le temps pour se poser et démarrer des démarches d’insertion. ©FADS

Située dans le troisième arrondissement, l’un des plus pauvres d’Europe, l’association étend sa capacité d’accueil autour d’un bâtiment pilier, la résidence William Booth, du nom du pasteur méthodiste créateur en 1850 de ce réseau caritatif international. L’imposante bâtisse compte 76 places de centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et une résidence d’accueil pour 15 patients stabilisés sortant de l’hôpital psychiatrique. En 2008, le Hameau vient compléter l’offre avec vingt cabanons individuels, dédiés aux personnes en situation de grande marginalité, réfractaires aux structures d’hébergement.

Mutualisation et adaptation

Lors de cette « journée portes ouvertes », les professionnels, travailleurs sociaux, gardiens de nuit, maitresse de maison, personnel administratif, cuisiniers sont partagés entre deux sentiments. La fierté de contribuer à répondre aux besoins des populations les plus fragiles, et l’impatience face à cette prime Ségur qui n’arrive jamais et des salaires gelés depuis des années. « Nous sommes en éternel mouvement pour répondre à des problèmes qui évoluent en permanence, constate Aziz Bakhat, éducateur spécialisé au CHRS depuis janvier 2012. Ici, la proximité des structures permet de mutualiser les moyens et de s’adapter en fonction des urgences. Par exemple, je m’occupe de la bagagerie (ndlr : 48 casiers) et de la domiciliation, en plus du CHRS. Je bouge en fonction des besoins, mais sans valorisation salariale. Je n’en veux pas à mes employeurs, prés de 60% du budget part en salaires, mais aux pouvoirs publics dont la dotation annuelle ne cesse de diminuer. »



Le Hameau, des conteneurs aménagés pour des personnes réfractaires aux structures d’hébergement.©FADS

En place depuis 17 ans, le gardien de nuit se demande lui où est passé sa prime Ségur et si son employeur ne pourrait se permettre d’en faire l’avance. Il vient de refuser la proposition de s’occuper d’Entr’elles, alors qu’il a déjà en charge le bâtiment de 91 places et le Hameau. « Quand un gardien sera recruté pour la nouvelle structure, il pourra prendre la surveillance des cabanons, vu que c’est juste à côté. Ça sera déjà un soulagement en attendant l’augmentation. »

Il reste un terrain vierge au milieu de tous ces dispositifs. Du coup, la directrice de la fondation Armée du Salut, Josseline Bresson n’a pas manqué l’occasion de faire un appel du pied au propriétaire, la Ville. Une laverie solidaire, une friperie, une épicerie sociale… les projets ne manquent pas, reste à trouver les financements et les professionnels pour accompagner leur fonctionnement.

Détermination et imagination

« On travaille avec des gens géniaux qui méritent d’être écoutés, entendus, soutenus, souligne Daniel Baréa, éducateur spécialisé sur la résidence d’accueil depuis 1993. Ici, on a la possibilité d’aider les gens à trouver la force de vivre malgré leurs souffrances. Le lieu permet la stabilisation parce qu’ils n’ont pas à craindre de perdre leur logement s’ils partent en hospitalisation. Le dispositif est génial, travailler avec le temps est un confort, mais il suppose de la détermination et de l’imagination pour conserver l’énergie d’accompagner tous les jours des personnes qui peuvent rester dix ans. Notre travaille consiste à leur donner envie de vivre et de revenir nous voir, ça peut être en proposant un atelier d’écriture ou un bain de pied. Il faut sans cesse se réinventer. » Un enthousiasme qui mériterait un salaire à la hauteur.

Myriam Léon

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