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■ ACTU - La lutte pour le climat frappée par la loi séparatisme

Le quartier des résistances du 2e Village des alternatives, organisée par l’association de lutte pour le climat et la justice sociale, Alternatiba Poitiers, tombe sous le coup d’une loi censée prévenir le terrorisme.

Un an après l’adoption de la loi dites "séparatisme ", l’État active son "bazooka" législatif contre une manifestation écologique, arguant d’une rupture du "contrat d’engagement républicain". Le 13 septembre, le préfet de la Vienne se fend d’une missive pour sommer la ville et le Grand Poitiers de retirer les subventions accorder à Alternatiba Poitiers pour l’organisation du 2e Village des alternatives.



Installé dans un quartier populaire de Poitiers, le village des alternatives a accueilli quelques centaines de personnes dans une ambiance festive et familiale. ©Alternatiba

Il appuie sa requête sur la loi "confortant le respect des principes de la République", qui permet d’accroître le contrôle de l’activité associative par l’État. Pour éviter de financer des associations prônant l’extrémisme religieux, elle contient un article qui enjoint 1,5 million d’associations à signer un "contrat d’engagement républicain". Dès lors qu’elles ont recours aux deniers ou aux aides publics, elles s’engagent à respecter sept règles sous peine de les perdre ou de devoir les rembourser.

Toutes les associations concernées

Entrée en vigueur en janvier 2022, ce contrat soulève immédiatement la crainte d’une utilisation abusive visant à museler la contestation citoyenne. En effet, dans ce texte le fort légitime "respect des lois de la République" est détaillé de manière à ouvrir les possibles de la répression et de l’arbitraire : "Ne pas entreprendre ni inciter à aucune action manifestement contraire à la loi, violente ou susceptible d’entraîner des troubles graves à l’ordre public."



L’atelier de désobéissance civile qui a suscité le courrier du préfet, à ce jour la mairie de Poitiers refuse de suspendre sa subvention de 5000 €. ©Alternatiba

Or, les 17 et 18 septembre, le Village des alternatives d’Alternatiba Poitiers comprend un quartier des résistances où Greenpeace et Extinction rébellion propose deux ateliers "désobéissance civile". Le préfet y voit une incitation "à un refus assumé et public de respecter les lois et règlements", donc une rupture du contrat d’engagement républicain. Le 20 septembre, le ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin soutient l’initiative de son préfet devant la commission des lois à l’Assemblée nationale : « La République, ce n’est pas n’importe quoi, n’importe où, avec l’argent public ! »

Portes ouvertes à l’arbitraire

Dans un communiqué, Alternatiba Poitiers rappelle que le gouvernement vient, pour la deuxième fois, d’être condamné pour "inaction climatique", et ajoute : « cette république n’existerait pas si des milliers voir des millions de citoyens ne s’engageaient pas au quotidien pour porter des initiatives et compenser l’absence de l’État dans des domaines aussi divers que le social, la santé, l’éducation, la protection de l’environnement, de la planète, du climat. » La mairie et la métropole de Poitier accordent leur soutien à l’association, les subventions de 5000 euros chacune devraient être versées.

Alors que le ministère de l’Intérieur fustige une formation à une manière non violente d’exprimer les raisons qui poussent à manifester, la secrétaire d’État en charge de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative, Marlène Schiappa appelle à un pacte de confiance avec les associations. Pour y parvenir, il faudrait peut-être commencer par ne pas pénaliser la désobéissance civile, "un des aspects les plus importants du droit de la liberté d’expression" selon la Cours européenne des droits de l’homme. Puis abolir ce contrat qui, comme le redouter de nombreuses associations, permet d’entraver la liberté d’expression et, même, la lutte contre le réchauffement climatique.

Myriam Léon


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