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■ ACTU - Handicap : en couple et autonome

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Le 9 mars, à l’initiative d’Act Up-Paris, associations et collectifs se sont mobilisés devant le Sénat qui débattait de l’individualisation de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH). L’objectif ? Exiger leur autonomie financière. Déjà sensibilisée, la chambre haute a adopté la proposition de loi.

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Le 9 mars, à la demande de sa commission des affaires sociales, le Sénat a adopté la proposition de loi pour « améliorer l’autonomie, la dignité et le pouvoir d’achat des personnes tout au long de leur vie et en particulier au moment où elles sont le plus vulnérables (1) ». Le texte propose notamment de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), et ce malgré l’opposition réaffirmée de Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées. « Nous sommes plutôt satisfaits : après l’Assemblée nationale en première lecture, le Sénat a majoritairement adopté la proposition de loi en y apportant des modifications qui l’améliorent » (2), apprécie Arnaud de Broca, président du Collectif handicaps qui regroupe cinquante associations.


Le 9 mars, les personnes handicapées, les associations et les collectifs qui les soutiennent ont manifesté devant le Sénat pour exiger leur autonomie financière. © APF France handicap

Forte mobilisation

Une victoire qui fait suite à une très forte mobilisation des personnes handicapées et de leurs soutiens avec - une première - une pétition déposée le 10 septembre 2020 par Véronique Tixier sur la plateforme dédiée du Sénat pour demander la désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de l’AAH, qui a dépassé les 100 000 signatures (3).
Le 9 mars, un appel lancé par Act Up-Paris, partagé par les associations et collectifs de soutien aux personnes en situation de handicap, a mobilisé une cinquantaine de personnes devant la chambre haute. Voici des années que les associations militent pour la « déconjugalisation » des revenus des bénéficiaires de l’AAH. Dernièrement, elles ont exprimé leur colère via des tribunes, des communiqués et des mots dièse sur les réseaux (ObjectifAutonomie, PayeTonHandicap ou encore LePrixDeLAmour). « Je trouve inadmissible d’être à la charge de mon compagnon. Mon handicap ne le concerne pas  », a ainsi témoigné Virginie. « Il est insupportable de voir diminuer son AAH une fois en couple  », a souligné le Collectif Handicaps.
Cette allocation, d’un montant de 902,70 euros, perçue par les personnes qui ne peuvent pas, ou difficilement, travailler, est calculée à partir du taux d’incapacité de l’allocataire et des ressources de son conjoint. C’est là où le bât blesse : si ce dernier perçoit un salaire supérieur à 2 220 euros par mois, la personne bénéficiaire de l’AAH ne la touchera plus. Elle devient ainsi dépendante de lui, vulnérable, ce qui peut générer des violences conjugales. Les associations rappellent la nécessité pour les personnes handicapées de bénéficier d’une pleine citoyenneté.

Navette parlementaire

Et maintenant ? « Le parcours parlementaire va suivre son cours et le processus est encore long, rappelle Arnaud de Broca. Si le vote du Sénat est favorable, le gouvernement – et la position de Sophie Cluzel l’a clairement rappelé – y reste très opposé. Il faut encore que la proposition soit inscrite à l’Ordre du jour de l’Assemblée nationale, adoptée dans les mêmes termes et si ce n’est pas le cas, qu’elle repasse par le Sénat. Tout cela doit être réalisé avant les prochaines élections, en mai 2022.  »
D’ici là, les associations continueront à se mobiliser, à sensibiliser les députés sur leurs positions afin que le gouvernement change d’avis et fasse évoluer la législation dans le cadre de la loi de finances de fin d’année, ce qui permettrait de gagner du temps. « L’approche de l’élection présidentielle incitera peut-être le gouvernement à revoir sa position, d’autant qu’il a fait du handicap la priorité de son quinquennat.  » Le vote du Sénat, les 100 000 signatures sur la pétition, le soutien de la société civile, celui de la Défenseure des droits, montrent déjà une meilleure compréhension du problème. De quoi le faire changer d’avis ?

Katia Rouff

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(1) proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale (senat.fr)
(2) La commission a accepté le principe d’une « déconjugalisation » du calcul de l’AAH en rétablissant le principe d’un plafonnement et mis en place un régime transitoire de dix ans pour les ménages actuellement bénéficiaires de cette allocation qui seraient perdants à la réforme. Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), la mesure proposée défavoriserait aussi un grand nombre de ménages : environ 44 000, dont 21 % perdraient totalement le bénéfice de la prestation.
(3) Désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) - e-pétitions du Sénat