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■ ACTU - Protection de l’Enfance • Alerte dans le Loiret

Ils ne veulent pas « maltraiter l’enfance maltraitée ». Ce 28 novembre, quatre cent professionnels de la protection de l’enfance, selon les organisateurs, ont marché de la Maison de l’enfance d’Orléans jusqu’au Conseil départemental (CD). Ils ont remis au président du CD une lettre ouverte de vingt-cinq pages. Ils posent des constats accablant sur les conditions d’accueil des enfants confiés à l’Aide sociale à l’Enfance. Et alertent : « 150 placements sont non effectifs ».

Les travailleurs sociaux ont décidé de s’organiser en un collectif de la protection de l’enfance du Loiret, formalisé lors d’une assemblée générale le 7 novembre dernier. La dégradation ne date pas d’hier, disent-ils, mais s’est accélérée depuis deux ans. Notamment depuis la fermeture de plusieurs Maisons d’enfants à caractère social (MECS) dans le département et la perte de quelques 200 places. « C’est faux, contexte Jacky Guérineau, directeur général adjoint au département en charge du pôle citoyenneté et cohésion sociale. Depuis 2016, 106 places en MECS ont été supprimées mais compensées par la création de 380 mesures de placement à domicile ». En effet, le département a fait le choix de recentrer sa politique de protection de l’enfance sur le placement à domicile au détriment des places en institution. Un choix économique comme le souligne son schéma de cohésion sociale : une place en MECS coûte autant que trois mesure de placement. En 2017, il ouvre le dispositif d’accompagnement du placement à domicile (DAPAD). « Nous avons alerté tout de suite : ce n’est pas une réponse face aux fermetures de places en établissement car il faut construire le projet de l’enfant selon ses besoins, soit d’être confié en famille d’accueil, soit en foyer, soit une structure spécialisée, soit avec un placement à domicile » explique une des rares psychologues * de l’aide sociale à l’enfance du département.

Logique budgétaire

Or, aujourd’hui, tous l’affirment : ils ne travaillent plus à partir des besoins et spécificités des enfants mais selon les places disponibles. Et tout le dispositif semble au bord de la rupture. « Nous travaillons en surcapacité, avance cette assistante familiale. Nous avons un agrément pour recevoir trois enfants or nous pouvons aujourd’hui se voir confier 4,5 voire 6 enfants. Nous devons accueillir en urgence des enfants qui vont très mal, cela met en difficulté notre travail au quotidien ». Le recours au placement à domicile quand il est pensé dans une logique budgétaire a des conséquences. « Nous nous retrouvons avec des placements à domicile qui ne sont pas adaptés, parfois avec des enfants qui ont des troubles associés et besoin d’être être pris en charge dans des établissements spécialisés, explique Chloé Sigogneau, éducatrice spécialisée et déléguée syndicale SUD. Alors, la mesure se passe mal puisqu’elle n’a pas de sens, qu’elle ne correspond pas aux besoins ».

Le seul foyer d’accueil d’urgence du Loiret, la Maison de l’enfance à Orléans déborde. Prévue pour accueillir 41 enfants, elle en reçoit actuellement 62. « Nous avons des enfants qui dorment à plusieurs dans les mêmes chambres, des matelas par terre dans les locaux communs, les salles de jeux, de lectures, de réunions… », témoigne Catherine Thibault déléguée syndicale Sud de la structure. En mai dernier, le département a augmenté officiellement la capacité d’accueil de 41 à 60 places mais sans que rien n’ait changé. Le département promet des travaux et l’ouverture d’une nouvelle unité de 20 places en avril 2020. En attendant, après une première manifestation des professionnels en octobre dernier, la Maison de l’enfance a obtenu quelques moyens supplémentaires… des chaises, de la vaisselle, des matelas… « Cela semble anecdotique mais nous nous heurtions tous les jours à des questions matérielles de ce type : courir après une couverture, des sous-vêtements pour les enfants reçus en urgence », souligne Catherine Thibault.

Se faire entendre

Pourquoi ce débordement ? « Nous n’avons plus d’orientations possibles pour certains enfants notamment ceux qui cumulent des problématiques multiples, ils restent bloqués à la Maison de l’enfance », explique Catherine Thibault. « Les groupes d’âges ne sont plus respectés, ce qui entraine un mélange adolescents / jeunes enfants dont les conséquences sont malheureusement dramatiques, alertent les professionnels dans leur lettre ouverte. Des cas de viols sont recensés à la maison de l’enfance ». « Insupportable, s’emporte un éducateur spécialisé. Des jeunes que nous retirons de leur famille parce qu’ils sont en danger peuvent l’être encore plus dans nos propres établissements ! ». Les professionnels veulent désormais se faire entendre. Ce 28 novembre, ils ont été reçu par le département qui a écouté leurs constats. Ils attendent des réponses à la hauteur de l’urgence et le collectif prévoit de nouvelles mobilisations.

* En dehors des deux déléguées syndicales, les professionnels ont souhaité garder l’anonymat.