• TERRAIN - Journal de bord - « CO-hésion, Vi-gilance, D-isponibilité / CO-construction, Vi-sioconférence, soliDarité...

Par A. GUINEHEUX, chef de service SESSAD ITEP.

Dans notre équipe de SESSAD ITEP, nous donnons des nouvelles définitions à ce mot COVID et ce mot fait soudain moins peur...

Certes confiné, pour le moment, chacun se réinvente et se redécouvre. Du chef de service aux éducateurs spécialisés, des psychologues aux paramédicales, du médecin pédopsychiatre à la secrétaire, chacun est invité à repenser sa pratique. En temps ordinaires, la notion d’équipe se nourrit du partage d’un quotidien : face à face dans un bureau, entrecroisements, temps d’élaboration collective, moments partagés... Et puis, l’on se retrouve du jour au lendemain, chacun chez soi, et l’on se demande si ce qui semble lier l’équipe résistera à la question de la distance, de l’enfermement et de l’isolement. Car on le sait, accompagner des sujets souffrants de troubles psychiques nécessite une élaboration collective, un ancrage à la dimension institutionnelle et le déploiement d’un travail clinique qui s’enrichit du regard de chacun (au sens propre et figuré, sans doute). Et ce n’est pas si simple ! Et ça demande de l’énergie ! Et c’est dans la rencontre (entre professionnels, avec les enfants, leurs parents) que nous puisons l’énergie nécessaire pour mener à bien nos missions éducatives, pédagogiques et thérapeutiques.

Il y avait un risque, du fait du confinement de passer à une pratique du chacun chez soi et du chacun pour soi... Contraints du jour au lendemain à se cloîtrer chez soi, nous créons immédiatement un groupe WhatsApp. Ce réflexe de puiser dans les réseaux sociaux notre premier nouvel outil de travail n’est guère étonnant finalement. Car le travailleur social aime travailler en réseaux, c’est bien connu ! On retrouve ce qui fait les saveurs de notre quotidien habituel. En virtuel, sur un écran, certes, mais finalement on repère beaucoup de similitudes. Des retours d’expériences de chacun, comme quand l’on rentre d’une séance et qu’on ressent le besoin de partager ce moment à un membre de l’équipe, de l’informatif, de l’essentiel et du plus futile (Il faut dire qu’il y en a des vidéos récréatives qui tournent en ce moment !). Sur les écrans de nos smartphones, se construit une nouvelle dynamique collective. On se reconnecte les uns aux autres pour organiser l’intervention auprès des jeunes et leurs familles. On s’appelle, aussi, on ressent le besoin de se voir au travers d’une réunion visio-conférence. Et ça fait du bien, il faut le dire !

Le confinement est pesant pour chacun d’entre nous, et on mesure rapidement les effets que peuvent ressentir les enfants, les adolescents et les jeunes adultes du SESSAD. On est inquiet pour certains, moins pour d’autres... La nécessité de garder le contact est décidée en amont des recommandations de l’ARS. Comme une évidence pour tous !

Le dictionnaire Trésor de la Langue Française définit la solidarité comme le :
« Devoir moral, résultant de la prise de conscience de l’interdépendance sociale étroite existant entre les hommes ou dans des groupes humains, et qui incite les hommes à s’unir, à se porter entraide et assistance réciproque et à coopérer entre eux, en tant que membres d’un même corps social. » Sans doute qu’il y a quelque chose au-delà de nos missions de travail social qui nous a poussé à agir ainsi - comme une prise de conscience immédiate - et c’est finalement rassurant, aussi !

Cela fait maintenant 4 semaines que nous fonctionnons sous ces nouvelles modalités de travail, et les familles témoignent pour la plupart d’une reconnaissance face à la solidarité qu’elles perçoivent. L’appel reçu par le professionnel, le message posté sur le blog, les propositions d’activités diverses sont autant d’attentions qui nomment un ailleurs et qui font se sentir moins seuls, sans doute. Les échanges se maintiennent et sont garants d’une continuité dans la rencontre. Le temps du confinement est un temps de l’entre-deux. La promesse des rencontres futures permet à chacun de tenir, sans doute. Dans l’attente, la poursuite des relations est nécessaire. Il ne peut y avoir de vide entre l’avant et l’après confinement et la façon dont chaque jeune vit cette expérience est riche d’enseignements cliniques. Des jeunes dévoilent des ressources étonnantes. D’autres se montrent plus fragiles, comme on le pressentait. Certains se dévoilent davantage hors du regard du professionnel. Mais tous font face, pour le moment. Des rencontres individuelles vont s’organiser, pour les sujets les plus fragiles, et cela ne sera pas simple non plus en ces temps où la distanciation sociale est nécessaire...

Cette expérience qui se poursuit ne nous laissera pas indemne. Mais ce moment rassure sur la volonté de chacun de faire équipe et d’aller à la rencontre de l’autre, malgré tout ... Et c’est sûrement là l’essentiel ! Dans une société où libéralisme et individualisme priment, la crise COVID, nous (re)fait redécouvrir la nécessité de développer une société où l’entraide, la solidarité, et le collectif ne sont pas des mots oubliés et doivent servir de socle commun dans notre projet d’équipe médico-sociale.
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Retrouvez tous les jours les témoignages de travailleurs sociaux en pleine crise sanitaire sous la thématique "Terrain, journal de bord" de notre rubrique Actualité.

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