N° 1262 | Le 26 novembre 2019 | Critiques de livres (accès libre)

Traité d’économie Hérétique

Thomas Porcher


Éd. Fayard, 2018 (231 p. - 18 €)

Thème : Économie

Alternatives
Le droit des salariés ? Un carcan empêchant d’embaucher. Les services publics ? Ils plombent la dette de l’État. Une retraite décente, à un âge raisonnable ? Un privilège de nantis.
Thomas Porcher refuse ce prêt-à-penser néo-libéral vendu comme du bon sens et propose d’autres réponses alternatives. Prenons le chômage : il ne relève pas d’un manque de motivation personnelle, mais d’un problème structurel. Un demandeur d’emploi courageux aura du mal à se faire recruter dans un contexte morose. Celui moins empressé en trouvera un facilement, en période de croissance. Et contrairement à ce qui est si souvent prétendu, ce n’est pas la flexibilité du travail qui fera remonter le niveau de l’emploi… ou bien surtout celui de l’emploi précaire.
À l’image de ces pays qui ont choisi de réduire la protection de l’emploi et ont décuplé son insécurité. La Grande-Bretagne, avec son million de contrats « zéro heure » qui ne garantissent ni un salaire minimum ni un temps de travail ; l’Italie avec ses « bons » d’une heure de travail, passés de 10 millions à 115 millions depuis 2010 ; l’Allemagne avec ses 2,5 millions mini jobs où le taux de travailleurs pauvres a été multiplié par deux. Évolution encouragée par une Union européenne favorisant la mise en compétition des modèles fiscaux et sociaux de ses États membres.
Autre registre critiqué ici, la dépense publique, toujours représentée comme un coût à rogner, jamais comme un investissement utile finançant l’éducation, la santé, la police, la justice, la culture, le sport et permettant des transferts sociaux sous forme de prestations chômage, maladie, vieillesse ou familiales. La détérioration des services publics induite ne se traduira pas par la résorption de la dette mais par moins de visites chez le médecin, une formation de plus médiocre qualité ainsi qu’une limitation des loisirs et des vacances.
Quand on évoque des sacrifices, ce sont toujours pour les salariés, jamais pour les patrons, qui, dans les cent vingt plus grosses entreprises françaises, perçoivent une rémunération cent trente-deux fois supérieure à la moyenne des salaires de leurs employés. Quant à la fraude sociale commise par les pauvres, son montant de 677 millions d’euros fait bien pâle figure face 21 milliards de la fraude fiscale des plus riches. Voilà un ouvrage qui, prenant à rebrousse-poil les économistes courtisans qui ont envahi nos médias, mérite par là même qu’on s’y plonge sans délai.
Jacques Trémintin


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