N° 613 | Le 14 mars 2002 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Suppléance familiale : nouvelles approches, nouvelles pratiques

Sous la direction de Michel Corbillon


éd. Matrice, 2001, (242 p. ; 22 €) | Commander ce livre

Thème : Placement familial

L’EURSSAF regroupe les chercheurs européens travaillant sur l’éducation en internat, en famille d’accueil et sur les alternatives aux placements. Ce livre réunit les communications faites lors de son VIème congrès tenu à Nanterre en 1998.

Le premier constat est radical : nous savons peu de chose sur les effets de la plupart des prises en charge des enfants et des adolescents hors de leur famille d’origine, est-il expliqué à plusieurs reprises. Les études sont rares et pas suffisamment systématiques pour pouvoir mesurer les caractéristiques des situations, les trajectoires des personnes concernées et les résultats sur leur devenir en tant qu’adultes. La force de la démarche scientifique, c’est que lorsque ceux qui s’en prévalent n’ont pas les moyens de savoir, ils le disent d’emblée (cela nous change de tous ces idéologues qui partent de leurs théories pour ensuite essayer d’y faire entrer de force la réalité). Cela ne signifie pas pour autant que les congressistes n’avaient rien à dire. Leurs propos sont venus confirmer l’évolution de ces dernières années, concernant l’inversion de la logique ségrégative à l’égard des familles qui s’est transformée en maintien du lien avec elles.

C’est pourquoi, plutôt que placement (qui implique une position passive), d’hébergement (trop restrictif) ou d’accueil (trop large), il est proposé la notion de suppléance familiale qui s’oppose à la tentative de substitution. Des innovations majeures ont eu lieu dans le secteur de l’internat : réduction significative des capacités d’accueil, redéploiement des grandes structures en petites unités de vie, diversification des réponses en les adaptant aux évolutions des populations, ouverture sur l’environnement. Les pratiques se sont orientées vers un refus du morcellement, du cloisonnement et de la spécialisation.

Quant à la légende qui voudrait que le placement familial soit plus efficace que l’internat, moins destructeur et plus épanouissant, elle a fait long feu. Les études réalisées dans plusieurs pays démontrent qu’il n’y a pas lieu d’établir une comparaison dualiste entre des placements qui seraient bons ou mauvais par essence. Tout dépend en fait de chaque situation.

Les conditions de réussite de l’intervention éducative ont des effets extrêmement diversifiés. Les mêmes variables (séparation, adoption, type de placement ?) peuvent être dans un cas restructurantes et dans un autre aboutir à des résultats inverses. Parmi les facteurs de réussite, on peut néanmoins retenir le fait de « fournir des environnements stables et prévisibles où l’on peut aider l’enfant à développer son sens de la continuité de la sécurité. » (p.145) ou encore le développement des réseaux de soutien social entourant la famille d’origine. Mais les meilleures expériences ne pourront jamais compenser d’une manière certaine les vulnérabilités biologiques et psychologiques.


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