N° 892 | Le 10 juillet 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Sommes-nous des paresseux ?

Guillaume Duval


éd. Le Seuil, 2008 (232 p. ; 15 €) | Commander ce livre

Thèmes : Organisation, Économie

Dans la continuité de l’action de salubrité publique engagée depuis bientôt trente ans à la tête de la revue Alternatives économiques, Guillaume Duval continue de pourfendre les formules trompeuses si souvent martelées.

Non, les Français ne sont pas des paresseux : en 2006, chaque emploi a produit 74 000 $, troisième position derrière les Américains et les Belges mais devant les Anglais, les Allemands et même les Japonais. Non, les salariés français n’ont pas trop de temps libre : en 2007, ils travaillaient en moyenne 35,3 heures par semaine, contre 35,4 heures en Europe. Oui, les politiques d’exonération de charges pour les bas salaires ont incité les entreprises à ne pas augmenter leurs salariés. Résultats : non seulement une stagnation de 17 % des salariés au SMIC (contre 3 % en Grande Bretagne), mais en plus une attractivité internationale qui maintient des activités économiques de bas de gamme.

Oui, on dépense deux fois plus pour former les chômeurs suédois, trois fois plus au Danemark et au Pays-Bas qu’en France où seuls 60 % d’entre eux sont indemnisés. Oui, en 2006, face à la pénurie de 800 000 logements, on n’a construit que 56 000 logements sociaux, quand on en fabriquait annuellement entre 100 000 et 150 000 dans les années 1970.

La politique poursuivie depuis des années (aide à la personne plutôt qu’à la pierre, comme auparavant) n’a fait que creuser les déficits publics, tout en entretenant l’inflation des prix de l’immobilier. Le choix de diminuer le coût du travail est un mauvais calcul démontre l’auteur. Car le salaire versé n’est pas qu’une dépense. Il est aussi une ressource qui permet de relancer l’économie par la demande de biens de consommation. L’Allemagne en a fait la cruelle expérience, elle qui a décidé, entre 2000 et 2006, de brider l’augmentation de ses salaires à 0,5 % (contre 17 % en moyenne en Europe). La demande intérieure qui a cru de 19 % en Grande Bretagne et de 13 % en France n’a augmenté outre-Rhin que de 0,3 %. Durant cette période, l’Europe a créé 9 700 000 emplois (dont 860 000 en France), alors que l’Allemagne en perdait 85 000.

Autre démonstration concomitante de Guillaume Duval, les 50,9 % du PIB consacrés aux impôts et aux charges qui provoquent de fortes critiques. En fait, seuls 23,4 % servent à faire tourner la machine publique (proche donc des 21,7 % de la Grande Bretagne, pays pourtant montré en exemple par les libéraux, pour son « moins d’Etat »). Les 27,5 autres % correspondent aux retraites, allocations chômage, prestations familiales, remboursements médicaux qui, réinjectés dans l’économie, contribuent à sa croissance.


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