N° 909 | Le 11 décembre 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Sigmund est fou et Freud a tout faux

René Pommier


éd. de Fallois, 2008 (186 p. ; 18 €) | Commander ce livre

Thème : Psychanalyse

Il est des théories que l’on croyait bien ancrées, jusqu’à ce qu’un regard décalé instille doute et incrédulité. René Pommier a relu de façon critique les théories de Sigmund Freud, sur l’interprétation des rêves. On en ressort confondu : comment une telle somme de fariboles a-t-elle pu se perpétuer ? Pour Freud, l’activité onirique constitue la voie royale de l’accès à l’inconscient. Ce qui était jusque-là le monopole des mages et des sorciers, devint une discipline à part entière de la psychologie. Penser que, pendant le sommeil, le psychisme humain pourrait libérer fantasmes, désirs, angoisses et peurs est une idée séduisante. Seulement, voilà : Freud cherchait surtout à construire un système de pensée susceptible d’interpréter le monde d’une façon absolue et systématique. Aussi transforma-t-il son postulat en un dogme rigide fondé sur un argumentaire pour le moins ridicule.

Premier axiome : le rêve exprime toujours un désir. Seconde vérité : il reflète ce qui s’est passé la veille. Troisième révélation : le sens qu’il recouvre n’a rien à voir avec son contenu manifeste. Pour bien le comprendre, il faut aller chercher sa logique cachée, latente. Et comme chacun le sait : « Il n’y a pas de sphère de représentations qui ne puisse symboliser des faits et des désirs d’ordre sexuel. » Dès lors, il s’agit de trouver un lien, aussi fragile, saugrenu ou rocambolesque soit-il, entre le récit du rêve et ce qu’il est censé traduire.

L’un rêve de l’extraction d’une dent ? Cela signifie qu’il s’est masturbé. Une matrone jette un regard lourd laissant apparaître la chair rouge de sa paupière ? Il y a là le symbole évident du sexe béant d’une femme. Le tic-tac d’une pendule ? C’est bien sûr les battements du clitoris, lors de l’excitation sexuelle. Quant au fait de monter un escalier, je vous le donne en mille : c’est pour Freud le symbole le plus fréquent et le plus clair des rapports sexuels. Bien entendu, le patient est, tout comme le lecteur, un peu étonné de telles interprétations. Qu’à cela ne tienne : « Nous intervenons de notre propre chef, complétons les allusions, tirons des conclusions irréfutables, formulons ce que le patient n’a fait qu’effleurer dans ses associations », recommande le maître.

Le caractère extrêmement aventureux des interprétations de Freud n’a d’égal que l’assurance avec laquelle il les assène. Il formule ses théories comme si elles étaient démontrées et indiscutables. Précaution face aux objections de la simple logique : quand un rêve montre quelque chose, il peut signifier le contraire : il fallait y penser ! « Ce que Freud demande au rêve, c’est ce que le voyant demande à sa boule de cristal : lui laisser une totale liberté d’interprétation », affirme René Pommier. Car le choix de faire appel à tel ou tel symbole est arbitraire. Le problème est de prétendre à la généralisation et à l’universalité.


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