N° 852 | Le 13 septembre 2007 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Le lecteur va pouvoir lire cet ouvrage à partir de l’entrée qui lui convient le plus. Il pourra commencer par des considérations tout à fait intéressantes sur la jalousie. Il pourra aussi se délecter du passionnant recueil de contes qui s’y trouve. Il pourra encore s’attacher à l’exégèse psychanalytique des symboles que l’on retrouve fréquemment dans ces récits traditionnels. Il pourra enfin se consacrer aux vignettes cliniques qui viennent illustrer les démonstrations de l’auteure. Le cumul n’est pas interdit.
Pour ce qui me concerne, je n’ai fait que survoler la glose freudienne qui paraîtra pour certains particulièrement éclairante et qui m’est apparue au mieux fumeuse au pire outrancière, avec sa prétention à trouver là une prétendue « force évocatrice de l’inconscient universel ». Si les grands thèmes de la vie humaine sont effectivement traités dans les contes, depuis la naissance jusqu’à la mort, en passant par l’émergence de l’identité, il faut parfois tordre particulièrement le cou pour y distinguer les arcanes du dogme psychanalytique. Pour autant, ces interprétations étant courtes, on pourra se régaler de la vingtaine de contes en provenance des quatre coins du monde, la plupart étant reproduits intégralement. Il est toujours étonnant de découvrir les détours parfois merveilleux, parfois sordides adoptés pour évoquer la grandeur et la turpitude de l’être humain. Ces rois prompts à faire tomber les têtes, ces parents qui ne pensent qu’à faire disparaître leurs (beaux) enfants (à ne pas manquer cette mère qui, après avoir décapité son enfant, le cuisine à son mari qui s’en régale sans savoir ce qu’il mange), ces princesses qui épousent non les plus riches, mais les plus valeureux…
Notre monde contemporain n’a finalement rien inventé. À l’image de cette jalousie qui constitue le fil rouge des contes sélectionnés dans l’ouvrage. Aux côtés de la toute-puissance et de la non acceptation de l’interdit, ce sentiment est présent depuis l’origine de l’espèce humaine et trouve sa source dans le besoin vital d’amour qui taraude chacun. Vouloir être seul et unique renvoie au fantasme de faire perdurer la relation initiale avec sa mère, explique l’auteur. Pour autant, il n’y a pas là qu’une simple perversité. La jalousie permet aussi d’aiguillonner le désir de savoir, en apprenant de l’autre et en l’admirant tout en stimulant la recherche de soi. En cela, elle crée une émulation créative. Mais, ce puissant moteur de vie doit néanmoins être dépassé. Car si nous nous enfermons dans la pensée jalouse, l’enfer n’est pas loin. Vouloir tout pour soi et refuser d’être un parmi les autres coupent alors de l’altérité et nous empêchent de nous nourrir de la diversité de la richesse humaine. À la menace de nous emprisonner dans la sécheresse d’un désir d’objet, il est un contrepoison, la compassion, seule à même de prendre soin de l’autre et de lui faire sa place.
Dans le même numéro
Critiques de livres