N° 1037 | Le 3 novembre 2011 | Etienne Liebig | Critiques de livres (accès libre)

Roms en (bidon) villes

Martin Olivera


éd. Rue d’Ulm, 2011 (80 p. ; 5 €) | Commander ce livre

Thème : Gens du voyage

C’est un petit livre, pas cher, vite lu mais d’une rare densité qu’a écrit Martin Olivera. D’autres, avec une telle matière, auraient pondu une thèse indigeste, là tout est clair, sans fioriture, direct et l’on comprend soudain ce qui nous avait semblé obscur. On comprend que les Roms roumains sont d’abord des immigrés économiques récents, que la misère, plus que toute autre cause les a contraints à fuir leur pays et qu’ils réagissent comme tous les immigrés économiques du monde, par le système D. On comprend que les conditions discriminatoires de la législation européenne ne facilitent pas leur intégration et qu’ils sont à ce titre des Roumains ou Bulgares parmi d’autres Roumains ou Bulgares, avec les mêmes façons de vivre, de se marier, de consommer, d’organiser leur quotidien.

Olivera aborde ainsi la question très complexe des identités tsiganes entre histoires singulières de chaque groupe humain et projection fantasmée d’un monde de gadjé enclin à créer du culturalisme pour satisfaire sa soif d’exotisme. On voit aussi comment la résurgence de cette nouvelle pauvreté trop voyante pour être honnête, créatrice de nouveaux bidonvilles a donné le sentiment aux politiques et au corps social que l’on était revenu en arrière, du temps des immigrations italiennes, portugaises, espagnoles, d’avant les HLM, quand on se satisfaisait de voir des travailleurs vivre dans des masures en bois et en tôle. On comprend ainsi comment la pauvreté trop affichée est insupportable à un pays qui se croyait définitivement sorti de la misère endémique. Peut-être touche-t-on là, d’ailleurs, une des causes du racisme anti-tsigane ?

L’auteur présente aussi quelques projets mis en place par les villes et les Départements en partenariat avec les familles, quelques raisons de regarder ce phénomène migratoire de façon calme et rationnelle entre politiques, travailleurs sociaux, associations et les personnes concernées sans céder à la panique qui fut celle de nos dirigeants. Un gros livre tout petit !!!


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