N° 645 | Le 5 décembre 2002 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)

Rites de passage, rites d’initiation

Thierry Goguel d’Allondans


Les Presses de l’université de Laval, 2002 (146 p., 17,10 €) | Commander ce livre

Thème : Sociologie

Arnold Van Gennep appartient à la catégorie des chercheurs « transversaux », ceux dont le travail s’inspire de différentes disciplines – anthropologie, linguistique, égyptologie — pour aboutir au bout du compte à une démarche heuristique très personnelle. Cette pluralité de références explique sans doute la sévérité de la critique formulée à l’égard des travaux de Van Gennep par les partisans de l’école Durkheimienne, adeptes d’une sociologie « pure et dure », construite à partir des observations de terrain. Mais Van Gennep a survécu à cela.

Son ouvrage majeur, Rites de passage, est désormais universellement consacré. En dépit des formes très diverses que peuvent prendre ces rites de passage à travers le monde, ce qui semble invariant c’est leur mode d’organisation. Ces passages, en effet, s’organisent en trois temps : les préliminaires (avant le seuil), les liminaires (sur le seuil) et les postliminaires (après le seuil). Chaque temps correspond, en réalité, à un rite spécifique d’importance inégale suivant les cultures, mais le schéma reproduit toujours la séparation d’avec un monde antérieur, un passage et l’agrégation à un monde nouveau. Ces rites accompagnent les individus tout au long de leur vie car comme le souligne Van Gennep : « Pour les groupes, comme pour les individus, vivre c’est sans cesse se désagréger et se reconstituer, changer d’état et de forme, mourir et renaître ».

Et, de la sorte, les rites tout à la fois facilitent et célèbrent les passages d’une saison à une autre, d’un âge à un autre, d’un statut social à un autre. En l’occurrence, dans nombre de cultures, le rite de passage entre le statut d’enfant et celui d’adulte prend une importance particulière. Il s’agit pour le jeune adulte de renoncer non seulement aux privilèges dévolus aux enfants mais aussi aux prérogatives du sexe opposé. Il faut donc se montrer capable de domestiquer les pulsions, les émotions et de respecter les interdits. C’est à ce prix que l’on peut accéder à une nouvelle identité et aux connaissances essentielles qui fondent l’existence même du groupe : histoire du temps primordial, histoire des ancêtres et des origines. Mais l’initiation, c’est aussi se familiariser avec la mort, prendre conscience de sa propre condition de mortel et, par la même occasion, se visualiser comme faisant partie d’un tout qui fonctionne en cycle ininterrompu.

Ce petit ouvrage qui réunit de manière fort judicieuse les principaux apports de Van Gennep est aussi une invitation pour le lecteur à rechercher, dans son quotidien, là où se nichent désormais les rites de passage.


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