N° 1348 | Le 25 octobre 2023 | Critiques de livres (accès libre)

Racismes de France

Omar Slaouti, Olivier Le Cour Grandmaison, collectif


Éd. La Découverte, 395 pages, 22 euros | Commander ce livre

Thèmes : Immigration, Discrimination, Racisme

40 ans plus tard…

Ne rêvons pas, il n’existe pas de pays dans le monde où l’accueil de l’étranger est facile. En revanche, l’immigration ne constitue pas partout un sujet politique clivant comme en France.

40 ans après la Marche pour l’égalité et contre le racisme, j’ai choisi un ouvrage collectif qui fait le point sur les racismes en France, aujourd’hui. Il propose un bilan assez morose de l’évolution de notre société depuis les années 80 qui avaient marqué une sorte d’espoir pour beaucoup. Le livre fait le tour de ces racismes aussi bien antimusulmans, antinoirs, antichinois, antisémites ou antitsiganes. Il analyse aussi le communautarisme et sa perception dans notre société dite laïque, et offre quelques pistes échappatoire et d’espoir.

Les racismes en France

La première partie de l’ouvrage rappelle ce que sont le racisme individuel et le racisme d’État. Il montre comment ce dernier ne dit pas son nom mais se révèle encore aujourd’hui, par des discriminations d’accès aux droits, au travail ou au logement, de façon insidieuse et sourde, mais qui se vérifie simplement par des testings.
Bien sûr, la question de la présence policière et de ses formes d’intervention est prépondérante dans le sentiment d’inégalité, mais aussi dans ce racisme ethnique et social. L’école n’est pas en reste et les chiffres prouvent que cette inégalité de chances en fonction des origines augmente, scellant ainsi l’échec de toutes les politiques dites «  d’égalité des chances  » qui n’étaient en réalité que des promesses illusoires. Un chapitre entier est consacré au droit et à la complexité incroyable du système de catégorisation de l’immigré : réfugié, étranger en situation irrégulière, demandeur d’asile… Chaque catégorie supposant une procédure draconienne différente tandis que l’administration conserve par différents biais un pouvoir largement discrétionnaire. Enfin, dans le monde du travail, le nombre de discriminations liées aux origines s’est multiplié ces dernières années, tant dans les embauches que dans les métiers exercés. Pour l’auteur, le monde du travail reste largement marqué par des habitudes néocoloniales qui consistent à penser que les travaux durs et mal payés sont finalement confiés assez naturellement aux «  étrangers  », comme ils l’ont toujours été.

Habitudes « néocoloniales »

Les sujets qui nous paraissent aujourd’hui d’une grande banalité, comme le voile à l’école pour les jeunes filles musulmanes ou les mères voilées accompagnantes de sorties scolaires, sont en fait des sujets purement Français. Ils relèvent d’une forme spécifique d’islamophobie devenue centrale dans le débat politique et qui nous absorbe tous plus ou moins. Une autrice se pose la question de savoir si, plutôt que de s’interroger sur la capacité de l’islam à s’intégrer à la France, on ne ferait pas mieux de cesser les lois et les discours excluant toute une partie de nos concitoyens.
Dans les chapitres suivants, les collaborateurs de l’ouvrage énumèrent donc des différentes formes de racismes qui bien sûr touchent à des degrés divers, la quasi-totalité de tous ceux qui résident en France avec des origines étrangères. On comprend qu’il existe un lourd passé d’exclusion et de méfiance dont ont souffert aussi bien les Italiens que les Polonais et tant d’autres, ce qui est paradoxal dans un pays dont l’identité s’est construite progressivement de l’apport de l’étranger.
Ce livre, dans l’ensemble très bien documenté, représentera, à n’en pas douter, une source importante de données statistiques ou sociologiques pour le lecteur. Bien sûr les auteurs abordent les questions de laïcité et de communautarisme et je voudrais terminer par cette citation qui résume si bien l’esprit de l’ouvrage, celle d’un journaliste en 1842  : «  Les Auvergnats n’adoptent ni les mœurs, ni la langue, ni les plaisirs parisiens, ils restent isolés… et l’on peut dire qu’ils emportent leur pays à la semelle de leurs souliers.  »
L’espoir est donc permis.

Étienne Liebig


Les auteurs

Omar Slaouti a été un des porte-parole de la Marche pour la justice et la dignité et contre les violences policières en 2017. Il est enseignant à Argenteuil (Val d’Oise).
Olivier Le Cour Grandmaison enseigne les sciences politiques à l’Université Paris-Saclay-Evry-Val-d’Essonne.


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