N° 715 | Le 1er juillet 2004 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Racisme, une histoire

George M. Fredrickson


éd. Liana Levi, 2003 (222 p. ; 18 €)

Thème : Racisme

[Titre non disponible]

Alors même qu’on assiste à un renouveau inquiétant des réflexes racistes, il est important de prendre les moyens de réfléchir aux sources historiques de ce comportement imbécile et criminel. C’est ce que nous propose l’auteur dans un ouvrage passionnant. Il distingue ce qui relève de l’ethnocentrisme (considérer son ethnie comme supérieure aux autres), de la xénophobie (rejeter tout ce qui est étranger), du fanatisme religieux (prétendre posséder la seule foi authentique), de l’impérialisme (imposer un mode de vie considéré comme civilisateur aux autres peuples), du racialisme (considérer qu’il existe des caractères spécifiques et transmissibles propres à une catégorie particulière d’humains sans forcément en déduire une hiérarchie et une supériorité), du racisme proprement dit. « Il y a racisme quand un groupe ethnique domine, exclut ou cherche à éliminer un autre, sur la base des différences qu’il croit héréditaires ou fatales » (p.189).

Dans l’antiquité, une distinction nette opposait les civilisés des barbares, sans que la couleur de peau ne joue aucun rôle particulier et ne serve de base aux jugements négatifs. On trouvait d’ailleurs des esclaves et des hommes libres porteurs de religions et de caractéristiques physiques les plus diverses. Avec l’avènement de la chrétienté et de son ambition universaliste, ce qui est recherché c’est la conversion : les préjugés étaient forts à l’encontre des juifs ou des musulmans. Mais ils n’étaient plus validés dès lors que l’individu avait été baptisé. La couleur noire de la peau n’a inspiré de la répugnance aux Européens qu’après la généralisation de l’asservissement des Africains. C’est d’abord des prétextes religieux qui fondent la théorisation du racisme : la désignation du peuple juif comme assassin du Christ et du peuple noir comme descendant de Cham (fils de Noé qui aurait contemplé la nudité de son père et s’en serait moqué, déclenchant les foudres de Dieu qui pour le punir aurait condamné ses descendants à rester esclaves). Avec la montée du rationalisme et des États nations basés sur les principes de citoyenneté et d’égalité pour tous, la science s’est chargée de démontrer l’infériorité de certaines catégories humaines.

C’est au XIXe siècle que naît le mouvement eugéniste qui prétend vouloir protéger la pureté de la race blanche. Mais, c’est au XXe siècle que cette théorie sera appliquée à grande échelle dans trois régimes racistes : les États du sud des USA tout d’abord, l’Allemagne nazie et l’Afrique du Sud. Ces régimes s’inspireront d’une idéologie revendiquée comme raciste, interdisant les mariages inter-ehniques, organisant par la loi la ségrégation, l’exclusion du vote et de l’accès à la fonction publique ainsi que des ressources de communautés entières. Aujourd’hui, si la discrimination raciste a perdu toute crédibilité, l’exclusion à partir de la religion d’origine pourrait bien prendre le relais.


Dans le même numéro