N° 1335 | Le 14 mars 2023 | Par Jérôme Desbois, chef de projet, Association ARC-EQUIPES D’AMITIES | Espace du lecteur (accès libre)

Prolonger son action éducative sur internet : un travail au long cours

Thèmes : Pratique professionnelle, Réseaux sociaux

D’abord expérimenté en 2012, le dispositif est aujourd’hui déployé par les Caisses d’allocations familiales (CAF) dans l’ensemble des départements. En 2022, il rassemble plus de deux mille travailleurs sociaux de cœurs de métiers diversifiés (animateur, informateur jeunesse, éducateurs, médiateur, etc...). Mais il rassemble surtout des professionnels engagés, qui doivent franchir de nombreuses étapes pour parvenir à moderniser leur action.
Sur le principe, devenir Promeneur est simple. Il faut en faire la demande auprès de la CAF et se conformer à la Charte des Promeneurs. S’agissant d’interagir avec des mineurs, le label prévoit évidemment des règles déontologiques précises, visant à sécuriser les jeunes et les parents, quant à l’identité du professionnel. Chaque compte doit notamment préciser le nom, la profession et l’employeur. A leurs débuts, les Promeneurs suivent par ailleurs une formation initiale, pour être au clair avec le cadre d’intervention et les outils à leur disposition. Ils intègrent également le réseau des Promeneurs et bénéficient, à ce titre, de l’appui opérationnel d’un animateur départemental. Mais concrètement, devenir Promeneur est une tâche minutieuse, qui cumule une multitude d’ajustements et de savoir-faire. Étant donné le nombre des dérives constatées sur la toile, garantir la présence d’adultes de référence est essentiel. Pour bien comprendre la situation, prenons l’exemple Marco, animateur en centre socioculturel, qui vient de rejoindre le dispositif.

Sur les pas de Marco

Dans un premier temps, Marco doit identifier quels segments de ses activités peuvent être dématérialisés. Il a notamment la charge d’animer chaque semaine, d’une part, une conférence de découverte des métiers du numérique et, d’autre part, un atelier de réparation de smartphone. L’objet des conférences étant d’informer, les proposer simultanément au centre social et en ligne permettra d’en élargir l’audience et cette option d’organisation est bien sûr retenue. En revanche, lorsqu’il s’agit de réparer un smartphone, la question est délicate. Techniquement, un tutoriel pourrait assez facilement être monté, puis diffusé. Mais quelles responsabilités en cas d’accident d’un jeune, à domicile, ayant mal reproduit les indications ? Comme pour tout autre atelier éducatif, la mise en place d’ateliers dématérialisés procède d’un travail d’analyse des risques. En accord avec son équipe, Marco décide de conserver cet atelier en présentiel, considérant que la sécurité est fondamentale.
Marco doit maintenant se préparer à organiser prochainement les conférences en live. Pour y parvenir, il lui est nécessaire de réfléchir aux conditions de réalisation de l’opération et en particulier de choisir une plateforme de diffusion adéquate. Après échanges avec son équipe, il apparait que la diffusion en visioconférence sur plateforme Zoom est la plus pratique. En effet, depuis le confinement, le centre socioculturel souscrit un abonnement et le personnel y est déjà habitué.
Cela étant, déterminer quelle est la plateforme adéquate n’est pas qu’une question de technique, il s’agit également d’une question d’usages. En substance, les jeunes sont plus enclins à suivre une activité en ligne, si celle-ci est diffusée sur des réseaux qu’ils utilisent déjà. Sur les conseils de l’intervenant de la formation initiale, Marco sonde donc les publics qui fréquentent sa structure. Il établit un questionnaire, distribué à l’accueil du centre, et adresse un lien de sondage aux jeunes dont il détient le courriel. Une trentaine prennent le temps d’y répondre, mais seuls cinq d’entre-deux sont prêts à le rejoindre sur Zoom. En revanche, vingt-sept déclarent qu’ils le feraient sur Instagram. Après de nouveaux échanges en équipe, cette plateforme est finalement retenue.
A ce stade, Marco ouvre un compte de Promeneur sur Instagram et s’attèle à essayer la fonction vidéo. Mais très vite, il est perdu. Comment démarrer le live ? Quel filtre appliquer ? Comment autoriser le public à distance à poser une question ? Marco contacte donc l’animateur départemental pour se renseigner sur les formations dédiées. La prochaine session est dans quinze jours. Avec l’accord de sa direction - la formation dure une journée - Marco s’y inscrit. Quelques semaines plus tard, après une dizaine d’essais sur son ordinateur, la compétence est acquise et Instagram n’a plus de secret. Il en profite même pour imprimer un QR code renvoyant sur son compte, qu’il affiche dans tous les espaces du centre socioculturel, pour inviter les jeunes à le suivre.

Lancer une conférence

Marco et l’équipe décident alors de programmer la première conférence en direct le mois suivant. Le temps est venu pour Marco de communiquer sur l’événement. Pour cela, il souhaite planifier une campagne de Stories Instagram, bien adaptée pour toucher son public, et prépare des contenus visuels pour l’alimenter. Évidemment, cela lui prend un peu de temps. Mais l’intervenant de la formation Instagram lui a fait découvrir un logiciel qui permet de créer des affiches facilement, à partir d’une banque de modèles. Certes, Marco a tâtonné un peu au début, mais depuis qu’il a préenregistré sa ligne éditoriale, il est capable de produire rapidement des contenus. Heureusement, cela dit qu’il a affiché partout le QR code de son compte, car être Promeneurs ne suffit pas pour être rejoint par les jeunes sur les réseaux.
Nous sommes maintenant à une semaine de la conférence. Marco a prévu de relier la caméra du centre à son ordinateur pour garantir une qualité d’image et de son satisfaisante. Par prudence, il effectue un test grandeur nature dans la salle de conférence. Mais Instagram ne prend pas en charge le format d’enregistrement de la caméra. Il contacte donc à nouveau l’animateur départemental, pour envisager une solution. L’animateur contacte à son tour plusieurs Promeneurs, pour savoir s’ils sont pourvus du matériel vidéo approprié. L’un d’entre eux en dispose justement et un accord de prêt solidaire est convenu. L’avant-veille de la conférence, Marco se rend chez le partenaire pour récupérer la caméra. Un nouveau test est effectué et, cette fois, tout fonctionne parfaitement.
Deux jours plus tard, la conférence a enfin eu lieu. Marco est satisfait de cette première, car treize jeunes étaient présents au centre et neuf l’étaient en ligne. En outre, les échanges avec l’intervenant ont été très appréciés et plusieurs jeunes se sont même abonnés à son compte Instagram. Marco est également satisfait car ses efforts sont récompensés. Il est aujourd’hui un Promeneur du Net à part entière, qui prolonge effectivement son activité présentielle sur les réseaux sociaux. Mais quel chemin parcouru pour y arriver.
En conclusion, retenons que les professionnels qui, à l’instar de Marco, assurent une présence éducative en ligne, méritent tous nos applaudissements pour leur engagement et leurs efforts. Parce que chacun d’eux, à son niveau, en revisitant sa pratique, contribue activement à déployer des offres éducatives 2.0, répondant aux attentes de la jeunesse d’aujourd’hui et de demain.