Prison • Alerte sur la maison d’arrêt de Strasbourg
Adeline Hazan, contrôleuse général des lieux de privation de liberté (CGLPL), utilise pour la première fois cette procédure : une recommandation en urgence.
Une mesure rare pour une situation alarmante. Les contrôleurs ont trouvé « des conditions de prise en charge totalement défaillantes » à la maison d’arrêt de Strasbourg lors de leur dernière visite entre le 9 et le 13 mars. Dans un contexte de surpopulation importante : 748 détenus pour 444 places, ils notent une absence d’eau chaude, 14°C en cellule d’isolement quand la température extérieure est à 10°C, une cour intérieure remplie de détritus, des matelas moisis d’humidité…. « Une dégradation importante », souligne même Adeline Hazan par rapport à leur visite précédente en 2009 où les contrôleurs relevaient déjà l’état de saleté des cours de promenade, l’absence de sanitaires et de points d’eau en état de fonctionnement.
Six ans plus tard, deux situations particulièrement graves ont poussé la CGLPL à agir en urgence, sans attendre la publication du rapport de visite. Le viol d’un détenu par son codétenu marque une « absence de mesures efficaces prises par le personnel pénitentiaire pour préserver l’intégrité physique de l’intéressé ». Ce détenu avait signalé subir des violences et demandé à changer de cellule. Un médecin avait alerté un gradé et recommandé ce changement en urgence. « Ce gradé se serait immédiatement rendu dans la cellule de l’intéressé pour solliciter, en présence du codétenu mis en cause, des précisions sur les motifs de son inquiétude ». Il n’a pas jugé bon de changer la personne de cellule : elle a été violée par son codétenu pendant la nuit. Une plainte est déposée auprès du procureur de la république mais « la mission de l’Administration pénitentiaire a failli », constate Adeline Hazan. Autre motif d’alerte : l’installation de caméras de surveillance dans des locaux à visée thérapeutique au sein du service médico-psychologique régional (SMPR) porte « une atteinte grave au secret médical » souligne Adeline Hazan. Trois infirmiers qui avaient obstrué ces caméras avec un tissu où était écrit : « secret médical » ont été relevés de leur fonction. Ils ont perdu leur habilitation à exercer en prison. La Garde des Sceaux, Christiane Taubira, indiquait dans une réponse à la CGLPL que l’installation de ces caméras dans « des zones d’activités collectives » était permise par les textes et décidée en concertation avec le médecin chef du SMPR et la direction de son hôpital de rattachement. Une réponse qui ne satisfait pas Adeline Hazan. Elle rappelle que ces locaux sont « à usage médical » et que la ministre de la Santé ne semble pas cautionner la version de la Justice. Marisol Touraine souligne, dans sa réponse à la CGLPL, que l’installation des caméras « est une décision unilatérale de l’autorité pénitentiaire et le SMPR n’a pas pu s’y opposer ». Adeline Hazan insiste : « Je recommande expressément que ces caméras soient enlevées ».