N° 1322 | Le 6 septembre 2022 | Par Antoine PASSERAT, chef de service du SESSAD Handicap moteur les Tournesols à l’ARI (avec la participation des professionnelles et familles présentes sur le séjour) | Échos du terrain (accès libre)

PARENTS (‘THESE) en Lozère

Thèmes : Parentalité, Handicapés

Histoire d’un séjour pour les enfants et leur famille, proposé par un SESSAD accompagnant des enfants en situation de handicap moteur…

Du côté des familles, même si le projet les intéresse, les inquiétudes percent : « Le SESSAD nous a proposé un séjour en Lozère. D’un côté nous étions heureux de participer mais en même temps, nous avions beaucoup de questions et d’interrogations » explique Madame C. « On nous demande d’arriver en terrain totalement inconnu et avec le handicap de nos trois enfants, ça n’est pas évident à gérer psychologiquement » affirme Monsieur G. « On nous dit que tout est adapté, on veut bien y croire mais on attend de voir car nous avons été trop souvent déçus » se méfie Monsieur L. Quant à Madame V., la méfiance est aussi présente : « on sera avec des parents qu’on ne connaît pas pour notre groupe, petite appréhension de faire leur connaissance. On nous parle d’activités pour les enfants, mais aussi parents/enfants. On ne connaît absolument pas les sports adaptés, on se pose beaucoup de questions là aussi. » Et puis, c’est le soulagement : « finalement nous sommes arrivés sous la fraîcheur mais avec le soleil. Nous avons été accueillis par des pros qu’on connaît, c’est très rassurant. Puis on nous a présenté des familles qui étaient comme nous, un peu perdues, mais avec le sourire » confirment Monsieur et Madame G.
Lundi matin, le 1er novembre, le rendez-vous est donné sur le parking du SESSAD. Le ciel est gris et la pluie agrémente les premiers échanges. Familles, parents, enfants et pros se préparent au départ. Des familles du CAMSP se mêlent à l’aventure, la rencontre n’en sera que plus riche. Quelques heures plus tard, la Lozère, le complexe de Montrodat. Des gîtes adaptés, une balnéo, un gymnase, une salle à disposition et des professionnels sur place qui nous accueillent chaleureusement. Il n’est pas toujours nécessaire que le soleil perce les nuages pour que la chaleur s’installe. En cette occasion, c’est la rencontre et le lien qui se créent, qui sont venus à chaque instant du séjour agrémenter le quotidien et rendre la température plus douce.
Les jeunes sont ravis : « Les gîtes étaient grands et bien. C’était comme des chalets, trop grands, trop bien, c’était trop beau. Tout était adapté à mon fauteuil. Et la WIFI était gratuite ! » rapporte O.
À peine posé, à peine rassasié, et c’est le premier temps de découverte de sport adapté. Les petits groupes se forment, plutôt par famille au départ. Et puis les ateliers fonctionnent, chacun s’autorise à aller vers un autre. Rapidement, l’activité prend une tournure plus animée, la Boccia (1) rassemble.
À la fin de l’activité rendez-vous est donné pour un apéro proposé dans un gîte par une famille. Tout le monde est déjà dans son séjour…
Les pros s’y retrouvent : « un petit chemin fait le tour du village de gîtes, je l’emprunte. C’est tellement reposant de faire un tour à la nuit tombée. Le calme est retombé sur les gîtes, chacun a regagné son habitation pour la finir la soirée. Derrière chaque rideau, une famille, une histoire. » confie A. « Je me surprends à penser à chaque enfant présent, chaque parent, aux premières rencontres qui se font déjà. Ce qui fait parfois souffrance, abîme de solitude, semble soudain trouver un pont, une passerelle qui anéantiraient l’espace d’un instant ces infâmes sentiments. Pouvons-nous aider à construire des voies entre la solitude de chacun ? » renchérit J.
L’apéro a fait son effet, une autre famille propose les cafés à toute heure. Chacun trouve sa place, avec ou sans handicap, pro ou famille, adulte ou enfant. À chaque jour de nouvelles activités : tir à l’arc adapté, sarbacane, course d’orientation et…
Les jeunes commentent : « Du tir à l’arc j’en ai fait pour la première fois grâce au séjour. C’était trop bien. Ça va j’étais pas trop nul » confie J. Son copain O. rajoute : « Le SPA c’était trop bien après les activités. Ça me fait du bien au dos. C’était adapté, tout était adapté et c’est bien de pas toujours réfléchir à si je peux faire les choses ou pas à cause de mon fauteuil. »
C’est étonnant, nous avions pensé des temps d’activité pour les enfants, afin que les parents puissent disposer de temps de répit, qu’ils puissent prendre un peu de temps pour eux. Mais c’est du temps pour tous qui se dessine et les activités se font pour les petits et pour les grands, finalement…

Handfauteuil pour toutes et tous

Et puis des chasubles sont distribuées à tous les adultes, « les enfants vous serez spectateurs ». Chacun son tour. Des regards s’échangent interrogateurs, quelle est donc cette activité surprise dont on parle depuis l’arrivée ?….
Les pros ne sont pas les plus habiles : « Ça arrive dans tous les sens, je n’arrive pas à me retourner !! J’ai le ballon, deux tours de roues, je fais la passe. À côté !! décidément ce n’est pas simple. Tant pis il faut qu’on marque ! » … Les jeunes sont aux anges : « J’ai franchement aimé, surtout la surprise quand on a fait du handball. Les fauteuils de sport j’ai adoré. Même les parents sont montés sur les fauteuils. »
Deux équipes s’affrontent, les gestes sont maladroits, épuisants. Mais tout le monde est à fond. Découverte pour la plupart du handfauteuil. Toutes et tous sur un pied d’égalité, enfin sur un fauteuil d’égalité pour le coup ! Sûrement un des moments les plus symboliques de cette expérience humaine et collective. Les parents nous le disent souvent, « on n’a pas envie d’être jugé ». Et les familles : « Les activités étaient très sympas, on a découvert le Handfauteuil et notre fils a tellement adoré qu’il est aujourd’hui licencié dans un club. »
Finalement s’il y a des pros qui gravitent autour des enfants, ils ne sont pas au-dessus, ils sont justes à côté. À côté pour soutenir, à côté pour mieux entendre, à côté pour éprouver et porter la parole.
Du côté des familles : « À la fin de ce séjour, on se rend compte qu’on a fait de belles rencontres. On a gardé le contact avec quelques parents, on s’est même revus quelque temps après » confie Madame V. « On en retient beaucoup de choses. Notamment que c’est important de ne pas rester isolé, on apprend beaucoup des autres et vice et versa. On a tous des quotidiens et des difficultés différentes mais finalement pas tant que ça » commente Monsieur R. Et Monsieur D. de conclure : « Il faut s’autoriser la curiosité de la rencontre. »
Les pros ne sont pas en reste : « Être aux côtés des familles, trouver le juste milieu entre une posture professionnelle et un moment « hors cadre » en ce temps de vacances, ce séjour a été au niveau personnel et professionnel d’une richesse immense. Des liens se sont créés et une réelle dynamique de groupe a émergé. »
L’espace de quelques jours, la parenthèse s’est ouverte, de la place des pros, de la place des familles, finalement de la place des personnes qui se sont rencontrées. Pendant longtemps il était question de bonne distance. Il commence à être question de juste proximité. Si finalement il n’était question que de rencontre et de ce que chacun peut apporter à l’autre, de sa place, de son histoire…
Laissons le mot de la fin aux jeunes : « Dommage que c’était pas plus long parce que ça aurait été encore meilleur ! Et dommage que ceux qui ont pas pu partir étaient pas là… »


Merci à Mathéo et Oussama, des jeunes du SESSAD qui ont pris le temps de nous faire un retour pour partager avec nous et avec vous, comment ils ont vécu leur séjour en Lozère. Merci au Complexe Euroméditerranéen et à son village de gîtes à MONTRODAT qui nous a accueillis dans les meilleures conditions possibles. Et merci à notre association, l’ARI, pour avoir fait que ce séjour soit possible.

(1) sport paralympique de boules


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