N° 1031 | Le 22 septembre 2011 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Nous avons quelque chose à vous dire. Paroles de jeunes de quartier

Robert Castel & Jean-Louis Reiffers


éd. L’Harmattan, 2010 (148 p. ; 14,50 €) | Commander ce livre

Thème : Banlieue

Quand l’École de la deuxième chance, installée à Marseille, décida d’organiser toute une série de forums, au cours desquels ses élèves pourraient dialoguer avec des responsables politiques, des hauts fonctionnaires et des acteurs influents de la société civiles, rien ne garantissait que chacun s’impliquerait et accepterait ce dialogue inédit. La mobilisation des premiers et la participation attentive des seconds confirmèrent l’excellence de cette initiative. Sept conférences tenues entre février 2008 et avril 2009, sous le patronage du sociologue Robert Castel, abordèrent des problématiques auxquelles les habitants des zones urbaines sont particulièrement sensibles : le rôle de l’école, l’image donnée par les médias, le rapport à l’emploi, l’insécurité, la place du religieux…

L’occasion de constater l’écart entre les acteurs sincères des dispositifs en place et le constat quotidien que peuvent faire leurs bénéficiaires de leur inefficacité flagrante. Un système scolaire, d’abord, conçu sur un mode élitiste, principalement tourné vers la course à la performance et à la sélection des meilleurs, ne laissant que peu de chances à ceux qui n’en possèdent pas tous les codes. Situation aggravée par la différence d’investissement financier : un élève d’un bon collège coûte bien plus cher que celui scolarisé pourtant en zone d’éducation prioritaire, le premier bénéficiant de professeurs expérimentés, quand le second est encadré par des enseignants débutants moins bien payés, qui n’attendent que leur mutation.

La force des préjugés, ensuite, propagés par les journalistes, sur une banlieue fantasmée et caricaturée, au mépris de sa complexité et surtout sa diversité. Le poids du chômage, encore, qui a tant pesé dans la dégradation des modes de vie : son taux dans ces quartiers est le double de celui de la moyenne nationale. Avec un nom à consonance étrangère ou une adresse dépendant d’un secteur de mauvaise réputation, un jeune a cinq fois moins de chances d’être convoqué à un entretien d’embauche qu’un autre jeune.

L’insécurité, toujours, qui stigmatise les 4,6 millions d’habitants des zones urbaines sensibles, quand seulement quelques dizaines de milliers de jeunes y résidant sont concernés par la violence et la délinquance. La construction idéologico-médiatique, enfin, qui brandit la menace d’une marée islamique submergeant tout, alors que ce sont plus les conditions déplorables d’exercice de ce culte qui produit le repli communautaire qu’un quelconque ostracisme à l’égard des autres religions (91 % et 71 % des musulmans ayant une bonne opinion respectivement des chrétiens et des juifs). La banlieue est l’illustration même de la méconnaissance et de la désinformation.


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