N° 623 | Le 30 mai 2002 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Le concept de développement social territorial a trop souvent été instrumentalisé et réduit à l’opposition entre le collectif et l’individuel, la personne et le territoire, le projet et le dispositif. Il a aussi fréquemment été confondu avec le simple découpage en territoires ne se contentant que d’une déconcentration des compétences. Or, la « territorialisation de l’action sociale n’est pas l’action sociale territorialisée » affirme Jean-François Bernoux qui nous propose ici une présentation lumineuse de cette démarche innovante qui bouscule les habitudes tant des professionnels que des institutions. Pendant longtemps, l’action sociale s’est déclinée sur un mode distributif et spécialisé très éloigné des logiques globales et partenariales.
La segmentation des approches renvoyait à chacun le traitement des problèmes en ignorant pour l’essentiel leur interdépendance. Il y a d’abord eu la mutation d’une action sociale qui est passée de la fonction d’assistance au rôle d’insertion, de l’intégration assistée à l’incitation à la responsabilisation. D’où la prise de conscience de l’intérêt de la participation des publics cibles. Mais cette participation n’est pas dans les usages d’une administration qui considère l’individu, l’habitant ou le groupe social plus comme objet que sujet de son propre changement. « Territorialiser l’action sociale revient à manager un profond changement culturel », confirme l’auteur (p. 97).
Cela implique d’abord de s’engager dans une dynamique d’équipe pluridisciplinaire : mutualisation, transversalité et coordination d’actions traditionnellement cloisonnées. Le changement et le développement ne peuvent se réussir que par une mise en mouvement de toutes les composantes d’un territoire. C’est ensuite passer de « l’intervention sur » à « l’intervention avec » en considérant que les intervenants sociaux ne sont pas les seuls détenteurs de solutions. C’est encore passer de l’inventaire des problèmes du territoire à l’approche d’un territoire qui fait problème.
L’auteur propose dans son ouvrage une méthodologie précise et détaillée qu’il illustre par des exemples de mise en ?uvre concrète. Au départ, il y a un diagnostic partagé à plusieurs voix, au travers d’un processus participatif dans lequel les acteurs de sensibilité diverses partagent leur point de vue. Puis, c’est l’élaboration d’un projet permettant de modifier ou d’adapter la situation. L’évaluation intervient avant, durant et après l’action engagée : la production de connaissances en perpétuel renouvellement sur ce qui se déroule devant permettre au projet d’évoluer constamment. L’objectif ici, est bien de remplacer des besoins passés au filtre des contingences institutionnelles par des institutions placées au service de l’amélioration globale de la vie sociale.
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