Marseille : la PJJ squattée par des trafiquants

Cet été dans les quartiers nord de Marseille, un réseau de trafiquants de drogue s’est installé dans une propriété du ministère de la Justice. Le domaine de sept hectares accueille quatre services de la protection judiciaire de la jeunesse (foyer, AEMO, insertion et pôle régional de formation), ainsi que deux associations, l’une gérant un centre éducatif fermé, l’autre un chantier d’insertion. Accompagnés par une cinquantaine d’agents, des dizaines d’adolescents plus ou moins en difficultés viennent quotidiennement sur le site, d’autres y vivent. Le domaine est ouvert pour permettre aux habitants de la cité voisine de traverser le parc afin de rejoindre plus rapidement les transports en commun. Pour les dealers, cette ouverture est l’opportunité de toucher une clientèle qui ne souhaite pas pénétrer au cœur de la cité.

Des agents intimidés

Minimisée par la hiérarchie, la situation s’est dégradée au point que les éducateurs de la PJJ se sont mis en grève le 30 janvier. « À partir du mois d’octobre, les incidents se sont multipliés, explique Isabelle Audureau, représentante régionale de la CGT PJJ. Certains agents ont été intimidés par des membres du réseau cagoulés. Des jeunes se sont fait embrigadés ou sont entrés en conflit avec les trafiquants ». Interrogé par l’AFP lors de cette grève, le directeur interrégional adjoint de la PJJ, Franck Arnal, semble quelque peu dépassé. « Le malaise profond de nos agents est entendable et nous prenons au sérieux leurs demandes, mais nous ne pouvons pas seuls éradiquer le trafic de drogue dans les quartiers Nord ». Face à cette inertie, l’exercice du droit de retrait est voté lors d’une assemblée générale, où le personnel déclare à l’unanimité avoir « un motif raisonnable de penser qu’ils sont dans une situation de danger grave et imminent ».

Accompagnement psychologique

La direction tente alors d’infléchir la position des grévistes, arguant qu’abandonner le terrain serait une victoire pour les dealers. De son côté, le médecin de prévention qui a rencontré les agents évoque des risques psycho-sociaux très inquiétants et préconise un accompagnent psychologique. Confrontée au mal-être et à la détermination des agents, la hiérarchie accepte finalement de délocaliser le foyer, les services du milieu ouvert et d’insertion. Seuls les cadres continuent d’exercer sur le site. La présence d’une équipe de cinq gardiens pousse le trafic à quelques mètres de là, hors du domaine. La construction d’un mur a été annoncée, mais les travaux ne devraient pas aboutir avant le mois de septembre. Le 25 février, les agents du milieu ouvert et de l’insertion sont prévenus par courrier d’une reprise de leur activité sur site à partir du 12 mars. « Maintenant, c’est à eux de décider de la suite à donner au mouvement, remarque la syndicaliste. Désormais, ils savent comment défendre leurs droits, ils sont sortis de leur isolement. »