N° 1147 | Le 18 septembre 2014 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Les jeudis muets

S. Hippolyte


éd. Autres-talents, 2014, (381 p. ; 22 €)

Thèmes : Enfance maltraitée, Séparation

Comme dans tant de familles, tout avait commencé dans le bonheur : des parents entourant leurs enfants de soins attentifs, dans une atmosphère sécurisante et chaleureuse. Pour quelles raisons le couple a-t-il basculé ? Quel est le ver qui s’est infiltré en lui, comme dans le plus généreux des fruits ? D’où est venue la terrible désillusion qui a fini par transformer la résignation en un flot de violence ? Sylvie Hippolyte ne peut le dire avec certitude. La seule chose dont elle soit sûre, c’est que son existence, comme celle de ses deux sœurs, a plongé en enfer. Apparaissant pourtant si protectrice et bienveillante en public, leur mère leur fera payer toute leur enfance le fiasco de son mariage et le crime d’être nées de celui qu’elle exècre le plus au monde. Le récit de l’auteure est tout autant captivant que terrifiant. En nous éclairant sur un passé singulier, il nous rappelle la maltraitance que peuvent vivre, parfois, les enfants du divorce.

Au fil des pages, s’égrènent cette violence ordinaire faite de coups systématiques et d’agressions verbales répétées, la haine permanente d’un père au dénigrement duquel on leur demande d’adhérer et l’humiliation quotidienne. Mais ce précieux témoignage ne s’inscrit pas seulement dans le négatif. Il consacre une large place aux stratégies adoptées pour résister et maintenir la tête haute, en réussissant sa vie, malgré tout. On y découvre une rassurante chronique des mécanismes de résilience à l’œuvre, s’appuyant tant sur des personnes ressources que sur l’investissement scolaire. Et puis, il y a cette demoiselle assistante sociale, se contentant de contrôler l’état du logement et demandant sûre d’elle-même aux trois soeurs, en présence de leur mère, avec quel parent elles voulaient vivre. Sylvie Hippolyte deviendra elle-même assistante sociale, pour ne pas reproduire une telle maladresse.


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