N° 1194 | Le 27 octobre 2016 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Les entreprises humanistes

Jacques Lecomte


éd. Les Arènes, 2016, (527 p. – 21,90 €) | Commander ce livre

Thème : Organisation

S’appuyant sur de solides études scientifiques et de nombreux exemples de terrain plus surprenants les uns que les autres, Jacques Lecomte affirme avec force que non seulement il est possible de trouver du sens et du bonheur dans son travail, mais que les entreprises où il fait bon vivre existent bel et bien, sans que cela nuise à leur compétitivité. Si les loisirs apportent de la joie, de la détente et des sensations fortes, seule la conduite d’un travail auquel l’on croit procure une haute satisfaction. La raison est à rechercher du côté de la valorisation et de la reconnaissance dans la contribution à la création d’une œuvre.

Mais, le sentiment de se réaliser, condition du bien-être au travail, ne concerne pas uniquement les salariés. Il imprègne potentiellement tout autant des entrepreneurs qui peuvent aussi se montrer soucieux des êtres humains non réductibles à des seules « ressources ». Certes, l’économie capitaliste nous a habitués à l’utilisation des salariés comme variable d’ajustement du taux de profit. Pour autant, se déploie à bas bruit une autre manière de gérer l’entreprise fondée sur l’intérêt de l’activité et la qualité des relations humaines. Si bien des entrepreneurs n’en ont cure, d’autres y sont sensibles. Et lorsque ces derniers choisissent de s’appuyer sur la coopération, plutôt que sur la compétition, ce n’est pas par souci d’atteindre une meilleure performance (pourtant démontrée), mais pour la satisfaction que procurent le travail d’équipe, la confiance entre collaborateurs et le désir collectif d’améliorer l’efficacité de l’organisation.

L’auteur témoigne tout autant combien la persuasion faisant appel au sens moral ou civique est bien plus efficace que la menace de sanction, à l’image de la gestion exemplaire de certaines situations de pollution massive solutionnées par un dialogue ouvert, transparent et honnête. Il en va de même de la motivation intrinsèque qui s’avère infiniment plus puissante que toute stimulation extrinsèque, comme le montrent ces avocats américains (pourtant payé 148 000 $ annuels) expliquant être bien moins satisfaits de leur travail que des professionnel en protection de l’enfance (n’émargeant, quant à eux, qu’à 23 500 $, soit 6,5 fois moins !).

Si Jacques Lecomte n’est pas dupe, rejetant avec force les tentatives d’instrumentalisation utilitariste et productiviste de la psychologie positive consistant à rendre les salariés heureux pour qu’ils soient plus rentables, il démontre néanmoins qu’à côté du cynisme, de la rapacité et de l’égoïsme existent aussi l’altruisme, l’humanisme et le sens de la justice.


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