N° 1177 | Le 21 janvier 2016 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Les coyotes • Un périple au-delà des frontières avec les migrants clandestins

Ted Conover


éd. Globe, 2015, (320 p. – 22,50 €) | Commander ce livre

Thème : Immigration

Ted Conover est un journaliste américain. Tout l’oppose à ces Mexicains contraints de migrer aux États-Unis, pour fuir la misère régnant dans leur pays. Pourtant, c’est cette existence qu’il a décidé d’éprouver. Et il convie le lecteur de mener, par procuration, une expérience hors du commun : vivre cette migration, de l’intérieur. D’un côté de la frontière, une main d’œuvre nombreuse, docile et disponible ; de l’autre, une économie avide de ces salariés taillables et corvéables à merci, peu exigeants et payés à bas prix. L’équation est certes universelle, mais sa description au quotidien est loin de l’être. C’est pourquoi ce récit est à la fois passionnant et précieux. Il se dévore plus qu’il ne se lit. Car, non seulement il est bien écrit, mais son déroulement constitue une plongée sociologique et psychologique dans le quotidien d’une réalité trop peu connue.

Traverser clandestinement le Rio Grande, sans se faire prendre par la police des frontières ; travailler dans les vergers du sud des États-Unis, en respectant le savoir-faire et la productivité des ouvriers migrants pour ne pas se faire virer ; retourner vivre au pays, pour mesurer les conditions d’existence des migrants… l’auteur a fait le choix de donner de sa personne, gagnant la confiance de ses compagnons, se confrontant aux mêmes dangers qu’eux, mesurant la brutalité d’une police mexicaine avide et corrompue ; s’épuisant dans des journées de travail sans fin ; subissant des conditions d’hébergement sordides. Avec parfois, quand même, des épisodes cocasses et savoureux, comme ce premier vol en avion ou ce déplacement d’Arizona jusqu’en Floride, dans une vieille guimbarde cahotante. Ted Conover déploie une tendresse et un attachement infinis pour ces migrants, leur courage et leur profonde humanité. En refermant le livre, on ne peut qu’être envahi par cette même empathie.


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