N° 935 | Le 2 juillet 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Les conditions de travail dans le secteur social

Fransisco Mananga


éd. L’Harmattan, 2008 (390 p. ; 34,50 €) | Commander ce livre

Thème : Organisation

Il y a encore une trentaine d’années, les travailleurs sociaux existaient à peine. Aujourd’hui, ils sont partout où règnent les problèmes sociaux, affirme Francisco Mananga. Cette généralisation s’accompagne d’une autre caractéristique notable : des mécanismes de professionnalisation qui n’ont pas supprimé les valeurs fondatrices faites d’altruisme, de militantisme et de philanthropie, mais leur ont superposé des exigences liées aux prérogatives du code du travail. Le monde du travail social reste marqué par cette double dimension : obligation de compétence, de loyauté et de probité à l’égard de l’employeur, mais tout autant devoir de respect de la personne, de discrétion et de surveillance à l’égard des usagers.

L’auteur décline les manifestations de ce paradoxe dans les conditions quotidiennes de travail. Ainsi, du besoin d’un travail en continu, face à des usagers fragiles, désocialisés et vulnérables qui nécessitent une prise en charge permanente. Mais, alors que la règle légale impose onze heures de repos consécutif minimum quotidien, la coutume veut qu’un « contre-poste » fasse terminer le travailleur social à 22h et lui faire reprendre à 6h. Francisco Mananga décrit tout autant la longue saga du paiement des heures de nuit qui étaient rémunérées jusqu’au décret de 2007 sous forme d’un forfait de trois heures. L’autorité publique résistera longtemps à l’argumentation qu’être posté pendant toute une nuit, sans pouvoir vaquer à ses occupations équivaut à une mise à disposition de l’employeur sur un temps plein, en prétextant son coût élevé évalué à 3,7 milliards d’euros pour la collectivité.

On retrouve aussi les conséquences de l’exercice « bien particulier » de la profession de travailleur social dans le régime de responsabilité tant civile que pénale. Même si les juges prennent en compte le nombre de personnes qu’il encadre, la faculté de discernement des usagers et les moyens mis à sa disposition pour exercer ses missions, chacun de ses actes peut faire l’objet d’une mise en cause judiciaire : par manque d’habileté (maladresse), défaut de précaution (imprudence), distraction (inattention), absence de précaution (négligence). Il en va de même pour ce droit de retrait reconnu à tout salarié depuis 1982, l’autorisant à se retirer de son poste dès lors qu’il estime être exposé à un danger grave et imminent. Une seconde condition cumulative s’impose toutefois à l’exercice de cette faculté : ne pas mettre en danger autrui. Le travail social étant l’un des rares secteurs où le salarié est en contact permanent avec l’objet de son contrat de travail, il se doit de veiller à la sécurité et à la surveillance du bien-être des usagers, impliquant donc une modulation de ce droit de retrait


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