N° 800 | Le 8 juin 2006 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Le nouveau paysage de l’action sociale et médico-sociale

Collectif


éd. Dunod, 2006 (200 p. ; 25 €) | Commander ce livre

Thème : Politique sociale

Initié en 2005, ce rendez-vous annuel, véritable état des lieux de notre secteur, est honoré avec bonheur par vingt auteurs qui font le point sur les derniers développements de l’année écoulée.

Il y est d’abord question de l’acte II de la décentralisation qui a laissé l’État maître de la définition, de l’aménagement et de la modification de l’action sociale, mais qui a désigné les conseils généraux comme chefs de file de son organisation concrète. Les autres collectivités sont positionnées bien plus en retrait, les communes se contentant de garder les CCAS et les régions de gérer l’agrément des écoles de formations professionnelles.

En laissant ainsi à l’État la protection sociale des actifs insérés et en départementalisant l’aide apportée aux inactifs, aux insolvables et aux personnes en difficulté, le législateur a rompu avec le modèle solidariste qui privilégiait l’intégration de l’ensemble de la population dans un système global et relativement homogène. On retrouve cette perte d’égalité de traitement des citoyens dans la mise en place de la quatrième branche de protection sociale qu’est la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. La couverture du risque dépendance, émergeant au XXe siècle, mais qui va s’avérer prédominant au XXIe, se situe bien elle aussi, au croisement du régime général et de l’aide sociale sous condition.

Ainsi, l’allocation personnalisée d’autonomie est-elle modulable en fonction des ressources de la personne. Imagine-t-on un salarié être remboursé de ses frais médicaux proportionnellement à ses revenus ? La question des personnes âgées se posera dans les années à venir avec d’autant plus d’acuité que les besoins sont loin d’être satisfaits par les prévisions de dotation. On prévoit en effet 15 000 recrutements professionnels quand on il en faudrait 250 000, du moins si l’on veut que le quota français de 4 salariés pour 10 résidents se rapproche de celui de l’Allemagne et des Pays bas (8 pour 10) ou de celui de la Suisse et du Danemark (10 à 12 pour 10). Quant aux places en institution, on en crée 10 000, alors qu’il en faudrait 40 000.

Dans notre pays, le vieillissement est conçu comme relevant naturellement des familles, alors qu’ailleurs, il est considéré à juste raison comme un enjeu de société à part entière. Même décalage en ce qui concerne le logement. L’effort considérable assuré entre 1955 et 1975 pour permettre de faire correspondre l’offre et la demande, s’est effondré depuis. Alors même que l’espérance de vie n’a cessé de s’allonger, que le nombre de séparations de couples a explosé et que les familles monoparentales ont augmenté, les constructions de lieux d’habitation accusent un déficit de près de 900 000.

Face à l’ensemble de ces défis, le travail social renforce ses capacités de coopération. Ainsi, les secteurs sociaux et sanitaires mesurent chaque jour les difficultés qu’ils rencontrent : pour les premiers à assumer la dimension sociale et les second à faire face aux complications mentales des mêmes populations auxquelles les uns et les autres sont confrontés. D’où la multiplication des filières, de réseaux territorialisés ou nationaux destinés à s’informer mutuellement, à faciliter la connaissance réciproque et à encourager un travail de collaboration (sans que cela implique la fusion ou la confusion des rôles et des repères).

Quant aux directeurs, ils se doivent d’accumuler des compétences improbables : celles de « laver plus blanc que blanc, de faire plus avec moins, de maîtriser les caprices météorologiques pour ne pas être responsables de la canicule, des inondations… de gérer des dotations insuffisantes, de protéger usagers et salariés contre tout événement ou désagrément, de se taire et d’avaler sa salive quand il est mis en examen parce que présupposé a priori maltraitant » (p.188).


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