N° 611 | Le 28 février 2002 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Le deuxième homme - Réflexions sur la jeunesse et l’inégalité des rapports entre générations

Michel Fize


éd. Presses de la Renaissance, 2002, (317 p. ; 21 €) | Commander ce livre

Thème : Jeunesse

Simone de Beauvoir avait écrit Le deuxième sexe pour dénoncer l’oppression subie par les femmes. Michel Fize continue sur la lancée de ses ouvrages précédents et enfonce le clou avec son dernier livre, tout entier tendu vers la dénonciation de la domination de la jeunesse par le monde des adultes. Aussi loin que remonte la mémoire humaine, nous explique l’auteur, les enfants ont été soumis par leurs aînés : droit de vie et mort pendant longtemps, libre disposition du corps infantile, ardeur juvénile contrôlée, répression des révoltes. Tout a toujours été fait, pour maintenir l’asservissement des plus jeunes. « Toutes les institutions, de fait, sont liguées, pour soumettre l’enfant à la volonté adulte » (p.98).

L’école, si elle a permis la diffusion du savoir, ne peut cacher son but véritable : dompter une jeunesse impatiente, emportée et rebelle. L’éducation populaire est surtout là pour l’encadrer et la soustraire aux mauvaises influences. L’Église a toujours voulu l’arracher à ses passions naissantes (sa sexualité). Le travail social, quant à lui, « n’a pas pour mission tant l’insertion professionnelle que le maintien de l’ordre et le contrôle social des victimes préférées de la crise : les jeunes » (p.115). La soumission imposée à la jeunesse s’est encore aggravée depuis 30 ans. C’est d’abord le rallongement de la scolarité, qui a eu pour résultat de retarder l’âge de l’installation conjugale et le processus d’autonomisation. C’est ensuite le chômage des moins de 25 ans, qui était encore en janvier 2001, quatre fois plus élevé qu’au Pays-Bas (il continue à rester le double de la moyenne nationale) qui a plongé les plus jeunes dans une plus grande misère encore.

Sans travail, la jeunesse n’est rien, continue Michel Fize, avec du travail, bien peu de chose, la vie politique continuant à être confisquée par les plus âgés. Le fondement de cette injustice tient pour beaucoup au mythe d’une soit-disant immaturité de l’adolescence que dénonce avec véhémence l’auteur. L’être humain étant en maturation permanente, ce sont des maturités différentes et complémentaires qui se complètent selon les âges, sans que l’on puisse établir une quelconque hiérarchisation. Ce qui est dénoncé ici c’est l’exclusion sociale, politique et économique de la jeunesse qui doit chercher son émancipation.

Quatre handicaps constituent néanmoins des obstacles à ce projet ambitieux : la conviction qu’ont la plupart des jeunes que cet ordre des choses est une donnée naturelle, le peu de parole dont elle dispose, son rejet de la politique et sa faible conscience de constituer une authentique classe (d’âge). « Pour que l’homme soit grand, il faut que la jeunesse soit faible » (p.297). Les plus jeunes n’ont plus comme seule alternative qu’à se lancer dans la révolte ? et à Michel Fize de fonder le Mouvement de Libération de la Jeunesse.


Dans le même numéro

Critiques de livres

Jean-Michel & Françoise Kurc

L’école mobile