La rétention : une politique française assumée

Notre politique d’enfermement est « unique en Europe » déclare David Rohi de la Cimade en présentant le 3 juillet le rapport annuel 2017 sur les centres et locaux de rétention administrative. Aucun autre pays d’Europe n’enferme autant les étrangers en rétention.

Les six associations qui interviennent dans ces lieux observent une orientation politique forte avec des instructions par voie de circulaire pour « utiliser plus largement et plus systématiquement la rétention » souligne David Rohi. « Aujourd’hui, les centres de rétention sont remplis comme jamais » ajoute-t-il.

Les associations recensent des violations multiples de droits. « Nous rencontrons en rétention des parents d’enfants français, des étrangers malades, des conjoints de français, des parents d’enfants à naître » rapporte Céline Guyot de l’Assfam. L’enfermement des personnes en demande de protection internationale a atteint une échelle inédite : 3 000 personnes ont ainsi été retenues alors qu’elles venaient de Syrie, d’Iran, du Soudan, d’Irak, d’Erythrée et d’Afghanistan. La plus grande majorité a été libérée par les juges. Car l’absurde joue là en maître : « enfermer massivement ne permet pas d’éloigner beaucoup » souligne le rapport. Sur les 47 000 placements en rétention en métropole et outre-mer, 60% ne sont pas suivis par un éloignement.

Des enfants interpellés à domicile

« L’utilisation massive de la rétention révèle donc une efficacité limitée, dans un contexte de privation de liberté traumatisant » pointe le rapport. Les associations dénoncent notamment le placement toujours plus important d’enfant en rétention. En 2017, 304 enfants ont subi cette mesure en métropole, environ 2 500 à Mayotte. Pour « une seule raison : le confort de l’administration pour faciliter la logistique du départ » appuie Mathias Venet de l’Ordre de Malte. « Ils arrivent souvent hagards et inquiets après avoir été interpellés à domicile à 6 heures du matin avec leur famille par un escadron de policiers » témoigne-t-il. Une pratique française déjà sanctionnée à cinq reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme.

Mais rien n’annonce l’arrêt de cette politique. La future loi sur l’asile et l’immigration prévoit de doubler la durée de rétention. Elle franchit une « ligne rouge » selon David Rohi : désormais même les personnes qui ne font pas l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire pourront être placées en rétention, le temps d’étudier leur situation administrative… Les centres de rétention n’ont pas fini d’être pleins.