N° 1181 | Le 17 mars 2016 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

La préférence pour l’inégalité • Comprendre la crise des solidarités

François Dubet


éd. Seuil, 2014, (110 p. – 11,80 €) | Commander ce livre

Thème : Inégalités

Après les trente années qui suivirent la Seconde guerre mondiale et furent marquées par une croissance miraculeuse et le progrès de l’égalité, on assiste depuis les années 1990 à une aggravation des inégalités, au point de menacer d’un retour à la situation d’avant la Première guerre mondiale, constate François Dubet ! Alors qu’Henri Ford, dont on connaît les sympathies nazies, revendiquait de limiter les salaires des hauts cadres à quatre fois celui des ouvriers, ils sont aujourd’hui en moyenne trente fois plus importants.

En France, 50% des plus pauvres se partagent 4% des richesses, alors que 10% des plus riches en disposent de 62%. Loin de se réduire, ce déséquilibre persiste et s’aggrave. Les lobbies et l’idéologie néo-libérale plient tous les gouvernements aux intérêts des plus fortunés. Les discours qui l’emportent accusent les peuples de coûter trop cher et de dépenser trop pour leur santé et leur éducation. Mais, ce qui contribue aussi à perpétuer ces injustices, c’est tout autant, sinon plus, la crise des solidarités, les victimes devenant des boucs émissaires responsables de leur propre sort : ce sont les chômeurs qui profiteraient de leurs allocations, les jeunes des banlieues qui préfèreraient le trafic au travail, les étrangers qui détourneraient les allocations.

Ce blâme est d’autant plus banalisé que chacun(e) se sent menacé(e) par le déclassement. En accusant les plus mal lotis que soi, on croit pouvoir préserver son propre statut social et se libérer du devoir de bienveillance à leur égard et ainsi éviter tout risque de chute sociale. Face au repli identitaire, à la critique de la décadence des mœurs et du déclin français, seul le renouveau donné à la solidarité et à la fraternité, ainsi que l’adhésion aux valeurs universelles démocratiques permettront de combattre des inégalités qui n’ont rien d’inéluctables.


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